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13 septembre 2006

Connaître l'éléphant

Selon une fable anonyme, des aveugles voulurent palper un éléphant pour s'en faire une idée. Le premier toucha la trompe, et en déduisit que l'éléphant était pareil à un serpent humide. Le deuxième toucha une patte, et en déduisit que l'éléphant était pareil à un tronc d'arbre rugueux. Le troisième toucha la queue, et en déduisit que l'éléphant était pareil à une corde à linge poilue... chacun avait raison de son point de "vue" limité, mais aucun ne savait au final à quoi ressemblait vraiment un éléphant.

La vie est pareille à cet éléphant : selon la partie que l'expérience va nous faire toucher, on va s'en faire une certaine idée partielle, incomplète.

Lorsqu'on se concentre sur un certain détail du tableau et qu'on oublie tout ce qui l'entoure, ou qu'on a jamais eu conscience de ce qui l'entoure, souvent le détail en question change de sens, ou même, n'a plus aucun sens. Ce qui était un petit chien, ou un visage, ou une fleur, n'est plus qu'un entrelac de lignes confuses, abstraites, désespérantes d'absurdité.

Lorsque je suis sortie de la dépression, j'ai ressenti l'impression étrange qu'un voile se déchirait : ce voile m'isolait de la réalité réelle, de tout ce qui m'entourait en réalité. Une fois qu'il fut tombé, une fois que j'eus conscience de ce monde si vaste qui m'était resté invisible jusque là, un changement décisif s'est accompli en moi. Un changement irréversible.

On peut croire qu'un hamburger est une nourriture saine et équilibrée tant qu'on a jamais goûté à un vrai steack, mais lorsqu'on a eu ne serait-ce qu'une seule fois de la bonne viande dans la bouche, on ne peut plus jamais prendre un hamburger pour ce qu'il n'est pas...

De même, qui a vu de ses yeux un éléphant, ne peut plus jamais croire qu'un éléphant est pareil à un tronc d'arbre rugueux.

Nos perceptions (que nous prenons pour la réalité) sont souvent limitées par des facteurs à la fois internes et externes, idées fausses venues d'ailleurs ou souffrances personnelles. Mais il suffit qu'une fois - une seule fois - nous voyions les choses telles qu'elles sont, que nous goûtions à la saveur du véridique, pour que les illusions d'optique et les approximations menteuses s'effondrent presque d'elles-mêmes... Lorsqu'on a connu le vrai, on ne peut plus prendre le faux pour ce qu'il n'est pas.

Alors le pont qui aurait pu nous ramener en arrière, vers les vieilles souffrances usées et usantes du passé, vers les mirages et les sirènes, les illusions et les pièges, s'effondre.

Nous voilà en sécurité sur l'autre berge, entouré d'idées claires et distinctes. Et chaque chose est à sa place, sa juste place.
De la pointe de sa queue pareille à une corde poilue au bout de sa trompe pareille à un serpent humide, l'éléphant nous est enfin visible.

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