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22 septembre 2006

"Elle est pas belle la vie ?"

A cette question qui attend un "mais oui, qu'elle est belle!" on peut apporter une réponse plus nuancée.

Si l'on s'intéresse d'abord non à la vie elle-même, mais à son cadre, on peut soutenir tout aussi bien que la vie est magnifique, et qu'elle est hideuse. Lorsqu'on regarde un trottoir parisien de près, la vie (ou du moins son décor) est extrêmement moche. Lorsqu'on regarde un loch écossais à une certaine distance, la vie (ou du moins son décor) est très belle.

En fait, oui, bien sûr - la planète terre est magnifique. Mais tout le monde n'a pas la possibilité matérielle d'en explorer les beautés, et de plus, même avec cette possibilité, il suffit d'un mal de dents, d'une contrariété ou d'une angoisse, pour être incapable d'admirer le paysage à sa juste valeur.

Si on entre dans le coeur du sujet, et qu'on parle de la vie elle-même, on lui trouvera aussi plusieurs points noirs :

- le principe d'entropie. Les fruits pourrissent, les gens vieillissent, et il suffit de laisser pendant quelques jours sa voiture dehors pour la retrouver sale. Toute chose laissée à elle-même se dégrade. De plus, comme l'être humain a un minimum de conscience, il sait très bien qu'il va vieillir, qu'il vieillit, et que chaque minute le rapproche de sa mort. Pas de quoi pavoiser.

- la faiblesse humaine. Il suffit de si peu de choses pour être malade, pour se casser un bras, etc... Et comme les autres aussi sont mortels, on n'est pas non plus à l'abri de perdre un être cher.

- Les difficultés et tracas qui sont inévitables, même dans les existences les plus heureuses. Malgré ce que certaines images publicitaires essaient de faire croire, le paradis n'existe pas sur terre. Et même dans les lieux les plus paradisiaques, on souffre.

Et encore, je parle seulement de quelques misères inhérentes à la vie, et pas de toutes les misères dont l'Homme est responsable et qui s'ajoutent à celles-ci : injustice, violences, famines, guerres...

Mais avoir conscience de tous ces (graves) inconvénients de la vie ne conduit pas forcément au désespoir et au suicide. En effet, tout dépend de la signification qu'on donne à la vie, ou que la vie aurait objectivement et qu'on a découvert.

Un homme taille une pierre sous un soleil de plomb. Un autre taille aussi une pierre sous un soleil de plomb. Font-ils le même travail ingrat ?... Ont-ils la même envie de rendre leur tablier et de jeter leur marteau ?...
Non, car l'un a été embauché sans savoir par qui, et taille sans savoir pourquoi - tandis que l'autre construit la maison où il vivra avec sa bien-aimée, qui ne l'épousera que lorsque la maison sera prête. Le premier peine pour rien, le second bâtit le nid de son amour.

Un homme gravit péniblement une montagne. Un autre gravit tout aussi péniblement une autre montagne. Mais l'un est Sysiphe, condamné par des dieux cruels à pousser un rocher jusqu'au sommet pour le voir rouler au bas ensuite (supplice absurde et désespérant), tandis que l'autre est en mission de sauvetage, parti pour sauver des alpinistes coincés dans la faille d'un glacier.

Tant qu'on ne voit pas pourquoi on vit, on est dans la situation du manoeuvre ou de Sysiphe. Lorsqu'on voit ou qu'on sait pourquoi on vit, on est dans la situation de l'amoureux ou du sauveteur.

Et tant qu'on est vivant, on a la possibilité de changer de rôle.

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