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14 septembre 2006

"Je ne demande pas grand chose..."

Certaines personnes déprimées (j'en ai fait partie à une époque) se disent ou disent : "je ne demande pas grand chose... juste d'être un peu heureux de temps en temps comme tout le monde... juste de ne pas être envahi sans arrêt par des angoisses, des idées noires... juste de ne pas être continuellement submergé par le stress..."

Et elles s'étonnent que leur bien modeste demande ne trouve pas satisfaction.

En réalité, c'est précisément parce que la demande est (faussement ?...) modeste, qu'elle n'est pas satisfaite.

En effet :

- Ce que toutes les luttes syndicales nous enseigne, c'est que pour obtenir le minimum vital (ici, un peu de tranquillité et de bonheur) il faut demander beaucoup plus.

- De la vie, on ne reçoit généralement pas plus que l'on ne demande : si l'on demande rien ou presque rien, c'est ce qu'on reçoit.

- D'autre part, il n'est pas prouvé "qu'un peu de bonheur" soit si peu de chose, surtout quand le point de départ est : "que du malheur". Le bonheur est un peu comme le pic d'une montagne : il ne pourrait atteindre son altitude sans l'énorme masse rocheuse en dessous.

Mais au fond, cette demande apparemment modeste d'un peu de paix et de bonheur, n'est peut-être pas si modeste que ça... elle révèle plutôt une inertie et une trouille. En effet, pourquoi demande-t-on peu, ou plutôt, pourquoi s'imagine-t-on qu'on demande peu ?... parce qu'on se doute bien, à un certain niveau, que pour obtenir beaucoup il faudrait chambouler radicalement sa vie, mettre en cause tout un tas de croyances auxquelles on tient comme à la prunelle de ses yeux (d'ailleurs c'est à travers elles qu'on voit le monde...).

Au fond, ce qu'on voudrait, c'est aller mieux... sans changer.

Bien sûr, c'est impossible. Tout aussi impossible que de retaper un vieux buffet sans le nettoyer et le décaper d'abord.

Dire : je voudrais juste un peu de bonheur (c'est-à-dire, je voudrais une amélioration sans rien modifier de substantiel dans ma vie), c'est un peu comme si l'on avait pour projet de transformer Saturne dévorant ses enfants (tableau de Goya), en L'escarpolette (tableau de Fragonard), en se contentant d'ajouter un peu de rose et de vert.

En fait, on s'en doute, la seule méthode est de jeter Saturne dévorant ses enfants à la poubelle, et de partir se procurer un bon poster reproduisant L'escarpolette. Changement total de décor.

Pour recevoir beaucoup il faut demander beaucoup, et pour demander beaucoup il faut se sentir prêt à tous les changements, tous les bouleversement que ce "beaucoup" implique. Tant qu'on ne veut modifier ni l'emplacement de nos meubles, ni celui des idées dans notre tête, on ne demande pas grand chose (ou plutôt, on croit qu'on ne demande pas grand chose, mais en fait, on demande quelque chose d'impossible, c'est-à-dire une amélioration sans changement) - et on obtient... pas grand chose.

Lorsqu'on se donne deux priorités contradictoires, on ne peut jamais être satisfait.

Ainsi, une femme qui chercherait un homme "très sérieux et fidèle" qui en même temps "la laisse complètement libre de tous ses faits et gestes", demande deux choses qui ne vont pas ensemble. Il faut qu'elle choisisse qu'est-ce qui est le plus important pour elle : la fidélité de son conjoint, ou sa liberté ?...

De même, quand on veut aller mieux sans déranger ses habitudes, on veux deux choses contradictoires. Il faut se demander qu'est-ce qui est le plus important, qu'est-ce qu'on considère comme la priorité des priorités : aller mieux, ou continuer sa vie sans changement ?
Car on n'obtiendra jamais les deux en même temps.

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