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18 mars 2007

La troisième maison

Souvent, les « histoires zen » qu'on trouve dans les manuels de sagesse orientale sont moins profondes que les contes occidentaux les plus classique. L'histoire suivante est bien connue, mais elle est riche d'enseignements et de sagesse pour ceux qui font l’effort d’en méditer le sens et d’en chercher la signification cachée…

Trois petits cochons quittèrent le foyer familial pour tenter leur chance dans le monde.

Le premier petit cochon se construisit vite fait une maison de paille, ce qui lui laissa du temps libre pour danser et chanter.

Le second petit cochon se construisit une maison de bois, plus solide que celle du premier.

Le troisième petit cochon quant à lui sua sang et eau pour se construire une maison de briques et de ciment. Un loup (du genre grand et méchant) parvint à détruire les maisons des deux premiers petits cochons en soufflant dessus, et les dévora tout cru. Quant à la maison du troisième, il s’y cassa le museau…

La première maison, ce sont nos ambitions et nos rêves, nos espoirs et nos illusions, nos joies faciles, nos gueules de bois – et bien d’autres choses encore.

La seconde maison, c’est notre carrière, notre compte en banque, notre famille, nos amis, nos certitudes pré-établies, nos préjugés confortables – et bien d’autres choses encore…

La maladie, l’angoisse, la dépression, la mort... sont des Grands Méchants Loups qui arrivent inéluctablement à leur heure, sans prévenir : ces grands méchants loups soufflent sur la maison de paille et la maison de bois, et bientôt il n’en reste plus rien.

La troisième maison est la seule qui nous protège. C’est la seule qu’on doit impérativement construire. Ses briques existent ; elles sont à chercher loin des flonflons et des paillettes éphémères, au-delà des trompes l’œil qui servent de décor, près d’une source qui ne ment pas, sous la veine jugulaire d’une parole pure, véridique.

Notre capital chance


Un livre tout à fait essentiel.
Fruit de recherches sérieuses sur ce qu'est réellement la chance, il montre (exemples à l'appui) comment convertir sa mentalité de malchanceux en mentalité de chanceux. Avec toutes les conséquences positives qui vont avec...
Si tout n'est pas applicable de suite quand on va mal, c'est de toute façon une lecture encourageante, apaisante et stimulante qui guide dans la bonne direction.

Je l'ai lu au moins trois fois...

A commander ici:
Notre capital chance : Pourquoi certains savent le cultiver et d'autres pas

17 mars 2007

L'eau et la pierre

C’est insensiblement, c’est progressivement, c’est petit à petit, que l’esprit se prépare ; lorsque les premières marches seront gravies, on pourra passer aux suivantes.

L’eau ruisselante a coulé sans bruit, érodant en silence les complexes de supériorité, les présomptions, les illusions, les pieds d’argiles des vaines idoles que l’on vénérait.

Et la mer est monté jusqu’aux chevilles, léchant la pierre tatouée de mousses et de moules.

Tourne-toi vers l’aide que tu n’as encore jamais demandé, demande à qui tu n’as encore jamais fais appel, tu en es digne.

Symbole

Ce cafard-là est symbolique.

Un grosse bébête noire aux multiples pattes. Un masque tragique (avec une bouche aux coins dramatiquement abaissés) lui tient lieu de visage. Il n’est pas triste du tout. Il n’a pas besoin de l’être : il est la tristesse.

Que cache son masque stéréotypé, convenu, traduction visuelle du mot chagrin ?...

Un vide noir, infini, sans étoile.

Il y a comme cela des choses, des êtres, des symboles et des lieux dont l’intérieur est plus vaste que l’extérieur.

Ce sont des cagibis minuscules qui, lorsqu’on y entre, se révèlent plus grands que l’Afrique, des petites boites noires qui contiennent d’énormes amoncellement d’or et de rubis, des phrases courtes écrites en petits caractères qui renferment une sagesse plus vaste que le ciel.

Même si on l’ensevelit sous des couvertures de sommeil ou d’optimisme artificiel, le cafard symbolique qui trottine entre le lit et le bureau persistera à hanter notre chambre : la tristesse qu’il incarne est beaucoup plus que ce que l’on en voit ; les explications amoindrissantes que l’on en donne ne le convaincront pas qu’il n’existe pas.

Ce n’est rien… Rien qu’un petit déséquilibre hormonal…

Les professionnels du mensonge minimisant dissimulent sous de minuscules ersatz de causalité le vide immense d’un certain genre de mort ; ce n’est pas eux qui pourront expliquer, éclairer et combler ce vide noir, infini, sans étoile ; seul l’ultime recours en est capable.

Au delà du mur

Les distances sont relatives. Tout près peut être très loin, quand un mur en sépare. Mur d’orgueil et de mensonges qui résiste à tout, sauf à la pluie. L’eau qui s’obstine triomphe toujours de la pierre.

Larme après larme, angoisse après souffrance, humiliation après échec, l’eau ronge le mur qui nous sépare de la paix.

Orgueil en ruine, mensonges rongés par le doute… Il ne restera bientôt plus qu’une illusion à croire, et celle-ci s’efface enfin dans le petit matin : que reste-t-il ? Rien.

Rien qu’un(e) désespéré(e) qui se tourne enfin vers -…

12 mars 2007

"Je suis épanouie, je suis sereine, j'ai confiance en moi, etcetera"

La déprime est presque toujours associée à une mauvaise image de soi ; l'une des conditions nécessaires, mais probablement pas suffisante, pour être heureux, est d'avoir une bonne image de soi-même.

Comment faire pour l’améliorer ?...

Il y a au moins deux méthodes.

La première, c’est de maquiller son reflet dans le miroir. Solution quasi magique, séduisante dans sa facilité (elle ne demande qu’un tube de rouge à lèvre), mais qui ne dure que tant qu’on reste immobile. Dès qu’on bouge, le décalage révèle la supercherie. C’est à peu près ce que propose la pensée positive : en se répétant « je suis belle, je suis épanouie, je suis sereine, j’ai confiance en moi », on maquille le miroir.

La deuxième méthode, c’est de manger équilibré et de faire du sport pour améliorer non l’image, mais le visage et le corps. C’est aussi et surtout d’examiner son caractère, et de travailler à en éliminer les défauts (égoïsme, distraction, etc.)

Avec la première méthode, on fait comme les enfants qui jouent à... « On dirait que je suis le papa et que tu es la maman. » Avec la deuxième méthode, on choisit de gravir la montagne invisible qui mène à l’amélioration de soi.

Descendre est toujours plus facile que monter, mais lorsqu'on choisit la solution de facilité (qui d'ailleurs n'est jamais la solution) on n'a aucune raison de se sentir fier de soi. Ce n’est pas en dévalant la pente sur les fesses, même si c’est rigolo, que l’on redore son blason, mais en faisant des efforts méritoires pour remonter une pente, quelle qu’elle soit.

Ressasser en boucle nos qualités physiques et morales sur le mode incantatoire, comme si elles constituaient le texte d’une litanie religieuse, ne changera rien à notre vision de nous-même : pour commencer à y croire, il faut en faire la démonstration concluante et en apporter les preuves en posant des actes concrets.

11 mars 2007

La Quête

Quête… de soi, ou plutôt de Soi, du Graal, de l’Illumination, du Sens de Sa Vie, de la Réponse...

Quête… infinie, toujours reconduite, jamais aboutie…

Quête… douloureuse quoique optimiste, béate et béante, avide et déçue…

Quête… qui nous entraîne dans le dédale, toujours plus loin dans les boucles et les détours d’un palais labyrinthique, somptueux, dont le faste est si souvent décevant… Les lustres splendides qui étincellent à distance sont en plastique, et ce soleil qui nous fait de l’œil au bout d’un couloir n’est qu’une toile peinte. Encore un leurre.

Le premier enthousiasme passé, nous avançons encore, fourbus, habitués maintenant à donner notre foi contre… pas grand-chose, nous voici un peu plus fourvoyés que tout à l’heure, plus près du but ?...

Quête indéfinie, infinie…

Sous des étiquettes mouvantes, flottantes, incertaines, c’est toujours La Quête qu’on nous vend – et nous sommes tellement habitués à ses promesses, à son chant mélodieux de sirène, à ses errances et ses utopies, que si par le plus grand hasard (mais il n’y a pas de hasard), la réponse nous percutait de plein fouet, nous nous relèverions, nous nous époussèterions, et haussant les épaules nous partirions en disant :

« Ce n’est pas ça que je cherche. Ce que je cherche, c’est MA vérité… MA légende personnelle. »

Trop shootés au rêve pour ne pas faire la grimace au goût du vrai lait, celui qui sort directement du pis de la vache.

07 mars 2007

Folie et vérité

La folie est-elle un chemin vers la connaissance ?...

Peut-être pas.

Mais une demi-vérité, une vérité incomplète, peut mener à la folie aussi bien, ou même mieux, qu'un mensonge pur et simple.

La folie, c'est un coktail d'intuitions justes et de conclusions hâtives, le pressentiment d'une vérité mêlé à un affolement, une perte totale de controle sur ses idées - comme une toupie qui s'excite et dérape.

Comme si l'esprit supputait un quelque chose qui lui parait trop gros à croire : en se réfugiant dans le délire il tourne le dos à cette vérité qu'il ne peut que pressentir à travers un voile, faute de quelqu'un pour lui expliquer les choses clairement.

05 mars 2007

"On ira tous au Paradis..."

Il y a au moins deux manières de se faire une opinion sur un sujet donné.

La première, c’est d’examiner le pour et le contre, de faire des recherches personnelles, de peser les différents arguments, d’utiliser son discernement.

La seconde, c’est de… rien, en fait. Il suffit d’être là, et de respirer. L’opinion s’introduit tel un virus lorsqu’on inspire, et ne s’en va pas lorsqu’on expire (sauf peut-être quand on expire pour la dernière fois). Ces opinions là, qui sont venues à nous et en nous sans qu’on les invite, sont ce qu’on appelle des idées reçues. Effectivement, on n’a pas pris la peine de les chercher : on s’est contenté de les recevoir.

Elles flottaient, invisible, dans l’air, sous forme de paroles ou de musique… on a écouté distraitement, elles se sont faufilées, on a entendu, elles se sont infiltrées, on a chantonné, elles se sont incrustées.

Et c’est ainsi qu’on ira tous au Paradis.

Lorsqu'on attrape la grippe, c'est en réalité la grippe qui nous attrape. Pour les idées reçues, c’est la même chose : elles nous dominent et nous mènent par le bout du nez sans que nous nous en rendions compte. En effet, nous ne savons même pas que nous croyons quelque chose - pour nous, c'est la réalité, la vérité, une évidence qui ne se discute pas. Un peu comme quelqu'un qui verrait le monde à travers des lunettes déformées et colorées, mais qui ne le saurait pas : il prendrait sa vision cubiste ou expressionniste pour la réalité qui l'entoure.

C’est pourquoi on ira tous au Paradis.

L’enfer est un mythe dérisoire, une plaisanterie, un épouvantail pour esprit moyenâgeux et crédule – mais par contre, nous irons tous au Paradis. C’est complètement logique : la démocratie, c’est le paradis sur la terre ; donc le paradis, c’est la démocratie dans le ciel. Nous sommes tous égaux, tous pareils. Les méchants sont comme les gentils, et d’ailleurs, les méchants, est-ce que ça existe ?... Il n’y a que des gens qui souffrent. Il n’y a que des victimes.

On ira tous au Paradis.

Paradis fait par qui ? Certainement pas par Dieu, qui n’existe pas. Par le diable peut-être, qui est plus gentil qu’il n’en a l’air, et qui d’ailleurs n’existe pas, lui non plus.

On ira tous au Paradis.

Ce n’est pas Dieu qui l'a dit, mais un chanteur qui cache ses yeux mais pas ses fesses : on peut lui faire confiance.

On ira tous au Paradis.

Bien sûr, on pourrait objecter que les trois religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam) ont toutes évoqué un jour ou l’autre le paradis et l'enfer. Pour connaître la réponse à une question telle que Qu’y a-t-il après la mort ?, il serait peut-être plus raisonnable de se fier à des livres révélés ou de rester dans le doute plutôt que de croire à ce que chante une pop star. De même que sur un sujet tel que. Ça fait quoi d'avoir des fans qui portent les mêmes lunettes et la même moumoute que vous ?, il serait plus raisonnable de croire Michel Polnareff que des livres révélés : chacun sa spécialité… Mais ces arguments-là n’ont aucun poids, aucune valeur, car ils s’adressent à la partie consciente et lucide de cerveaux hypnotisés par une magie hammelinoise.

Et le petit homme aux grandes lunettes partit en chantant et en jouant de la guitare…

On vit très vite des têtes de grands enfants regarder aux fenêtres. Puis un ex-gamin sortit de chez lui, et contempla avec enthousiasme l'homme qui chantait si bien. Vint un deuxième, puis un autre et tous le regardaient, envoûtés. Celui-ci chantait toujours; sa chanson était de plus en plus captivante, elle leur faisait imaginer des pays merveilleux où ils n'auraient qu'à s’amuser sans jamais être contrariés ou punis…

Un paradis pour tous…

Et ainsi cette bande d'enfants pour qui le temps avait passé devenait de plus en plus nombreuse. Tous n’étaient pas heureux, loin de là – mais tous suivaient de plus en plus vite le chanteur à la guitare. Il leur donnait l’espoir d’obtenir sans le moindre d’effort une vie idéale après leur mort.

Personne n'aurait pu les faire changer de route. Au son de la flûte la montagne s'entre ouvrit et tous, le chanteur en tête, passèrent l'un après l'autre à travers la porte qui se referma aussitôt.

Réfléchissons avant d’agir.

Réfléchissons avant de nous suicider.

Et si le paradis pour tous n’était qu’un vers de terre aguicheur se tortillant sensuellement au bout d’un hameçon, et que nous étions le poisson ?

02 mars 2007

Ce qu'il faut pour gagner la partie

Pourquoi Roméo et Juliette n’ont-ils pas vieilli ensemble ?...

Non, ce ne fut pas la faute des Capulet, ni des Montaigu – ce fut la faute de l’impatience.

Juliette semblait morte, et bien morte : Roméo impatient ne prit pas la peine de vérifier, c’est-à-dire d’attendre un peu, et se tua.

Sa jeunesse bouillante, impétueuse, impulsive, impatiente, se rua dans le désespoir tête baissé et yeux fermés, sans prendre la peine d’examiner la situation de plus près.

Juliette n’était qu’endormie… et si Roméo avait patienté quelques instants, il s’en serait aperçu. Si Roméo avait fait preuve d’un tout petit de patience, Roméo et Juliette auraient vécu heureux ensemble et auraient eu beaucoup d’enfants, comme dans les contes qui finissent bien.

Quand la situation semble désespérée, elle ne l’est pas. Juliette est vivante. On croit que toutes nos chances sont gaspillées, bousillées, qu’il ne reste aucune corde à notre arc, aucun euro dans notre compte, aucune malice dans notre sac – et que donc, il est temps de tirer sa révérence. Mais c’est faux : Juliette n’est qu’endormie. C’est en se tuant que Roméo a tout gâché, tout détruit… même sa bien-aimée, qu’il a entraînée dans la mort.

Le désespoir est une dangereuse illusion d’optique, un leurre mortel. Croyant voir que tout est foutu, on fout tout en l’air ; croyant voir que tout est détruit, on se détruit soi-même – et on détruit aussi ceux qui nous aiment le plus avec nous, après nous.

Tout était encore possible ; on avait même un carré d’as dans les mains – mais comme on ne savait pas qu’on jouait contre quelqu’un, qu’on ne connaissait pas les règles du poker, et que notre adversaire était resté soigneusement non-identifié, silhouette noire sur mur de nuit noire, on a cru que ces petits rectangles de carton ne servaient à rien. Et c’est lui qui a gagné, et c’est lui qui ricane. Nous, on ne sait même pas qui nous a vaincu.

Qu’aurait-il fallu pour gagner la partie ?...

Apprendre les règles du jeu.

Avant ça, découvrir les règles du jeu.

Avant ça, chercher les règles du jeu.

Et pour tout ça, il faut du temps. Beaucoup de temps.

"La clé de tout est la patience. On obtient une poule en couvant des oeufs, pas en les écrasant." (Arnold H. Glasgow)

Dialogue avec l'Ennemi

- Expliquez-moi comment vous poussez les gens au suicide.

- C’est très facile… D’abord, je sélectionne mes proies. Je ne choisis pas n’importe qui, n’importe comment. Les égoïstes, les avides d’argent, de pouvoir ou de sexe, les jouisseurs, les cœurs durs ne présentent aucun intérêt : ceux-là adorent la vie. Ils ont un moral d’enfer. (La langue a parfois des lapsus révélateur…) Ce sont ceux-là qui s’exclament : « Elle est pas belle, la vie ?! » en le pensant vraiment. D’ailleurs, ces gens-là travaillent pour Ma Cause : je ne vais jouer contre mon propre camp en leur tirant dans les pattes. A l’autre bout du spectre, il y a les croyants convaincus. Avec ceux-là non plus, je n’essaie même pas. C’est mission impossible. Je peux bien sûr essayer de les démoraliser… mais les pousser au suicide, non. Ce n’est même pas la peine que j’essaie. Ils en savent trop sur eux-mêmes, trop sur moi et trop sur l’Autre pour que je puisse jouer avec leur tête. Si je profite d’un moment d’inattention pour mettre la pagaïe dans leur mental, deux minutes après ils ont tout re-ranger soigneusement. Donc je me concentre sur les personnes ignorantes et sensibles, un peu idéalistes, et les jeunes bien sûr, toujours plus vulnérables. Le loup s’attaque en priorité aux agneaux… Les adolescents ne sont pas encore habitués à la souffrance et l’absurde : il n’en faut pas beaucoup pour les dégoûter de la vie. J’attends que la personne soit en situation de fragilité – un décès, un problème, n’importe quoi – et je passe à l’offensive.

- Comment ?

- C’est très simple, vraiment. Il me suffit de leur susurrer vingt-quatre heures sur vingt-quatre ma propagande pro-suicide à l’oreille. Je leur dis : « Ce serait tellement simple… la fin de tous tes problèmes… tu sautes et c’est fini, plus de souffrance… » Comme ils sont déjà complètement déboussolés, je n’y vais pas avec le dos de la cuillère, je leur sors les plus énormes mensonges : « Continuer à vivre serait une lâcheté… il faut beaucoup de courage pour se tuer… Ne sois pas lâche, sois courageux, sois fort… » Ou encore : « Ta mort sera une noble protestation contre l'absurdité de la condition humaine... ton suicide sera la preuve de ta liberté, la preuve que tu es plus qu'un animal, que tu n'est pas qu'une marionnette... que tu as un libre-arbitre... tu es un être humain... C'est ta liberté, ta dignité de choisir l'heure et les circonstances de ta mort... » Bref, je leur présente le pire choix qu’ils puissent faire comme la preuve ultime (c’est bien le mot) de leur grandeur morale, le seul acte qui prouverait qu’ils valent vraiment quelque chose. Autrement dit, je fais passer le Mal pour le Bien : c’est ma stratégie de base. Comme ils n’ont aucune connaissance sur ce qu’il en est vraiment – j’y ai veillé – et que je leur bombarde incessamment l’esprit d’idées noires, ils n’ont quasiment rien à objecter à mes discours persuasifs. S’ils croient vaguement à une vie après la mort, je leur chantonne avec la voix de Michel Polnareff : « On ira tous au paradis… », ou je les leurre avec la réincarnation s’ils y croient déjà : ils auront une autre chance, ils pourront se réincarner en ce qu'ils voudront... N’importe quel bobard pourvu qu’il les pousse à commettre l’irréparable. Mais en gros, ce que je leur dis, c’est toujours : « ta vie est tellement merdique que ta mort ne pourra pas être pire, et au moins ce sera différent ». Mais bien sûr, je ne le dis pas à la deuxième personne : ça trahirait maladroitement ma présence. Je dis dans leur tête : « ma vie est tellement merdique que ma mort ne pourrait pas être pire. » Comme ça ils s’imaginent que c’est ce qu’ils pensent eux, et moi je garde l’incognito…

- C’est écoeurant.

- La majorité des gens ne savent pas que j’existe : pour eux, je suis juste une figure pittoresque du folklore régional. C’est très pratique pour moi. Ça me permet par exemple de leur hurler sans aucune restriction ni censure des insultes, des menaces de mort, de leur ordonner de se tuer ou de tuer quelqu’un… et de passer ensuite, auprès d’eux-mêmes et de leurs psys, pour « leur inconscient » !… Mon inexistence officielle me donne une marge de manœuvre et une liberté de mouvement absolument fabuleuse.

- Hum.

- Ah oui… j’oubliais… Il y a aussi ceux qui n’ont aucun problème particulier ; à ceux-là, je leur explique que la mort est une grande aventure exaltante, quelque chose de vraiment extraordinaire et grandiose. Une plongée dans un univers complètement inconnu. S'ils sont du genre intellectuel, je leur fais lire les livres de Carlos Castaneda ou Le courage : la joie de vivre dangereusement de Osho. Ce sont d'excellentes apologies du saut à l'élastique sans élastique dans le Grand Inconnu - c'est-à-dire, la Mort, puisque j'ai veillé à ce qu'ils en ignorent tout... Et pour ceux qui sont plutôt du genre émotif et sentimental, je saupoudre le tout d’une pincée de romantisme noir : un peu de gothique et d’Evanescence.

- Pour leur embellir le suicide…

- Exactement. Vous avez compris. Vous seriez étonné d'apprendre à quel point c’est aisé, de pousser les gens à se suicider… Il suffit parfois d’un tout petit rien pour qu’ils passent à l’acte… Un détail infime… Une facture, une dispute, un problème au boulot…

- Vous exagérez…

- Pas du tout. Et vous savez pourquoi c’est si facile, de les suicider ?

- Non, mais vous allez me le dire.

- Parce que leur personnalité, leur existence, leurs amours, leurs amitiés… tout ce qui est précieux pour eux, ne repose en réalité sur rien. Enfin, sur rien de solide. Un peu comme la maison des trois petits cochons. Une très jolie maison… en paille. Elle fait illusion tant que le soleil brille, mais au moindre coup de vent, elle s’effondre, elle s’éparpille…

- Mais pourquoi ?…

- Parce que moi, bien sûr !… S’ils en arrivent à se suicider pour des bêtises, des détails, c’est que j’ai sapé à la base le sens de leur existence. J’ai déraciné, arraché de leur âme tout ce qui pouvait les rendre fort.

- Je ne comprends pas très bien de quoi vous parler, là.

- Dès l’enfance, je leur ai bourré la tête de mensonges démoralisants. Ils croient à tant de fables désespérantes, que ce qui est étonnant, c’est qu’ils ne soient pas plus nombreux à se suicider.

- En France, une personne se suicide toutes les cinquante minutes…

- Si les gens réfléchissaient davantage, ce serait une toutes les cinq minutes ! Ils croient qu'ils sont des singes mutants…

- On a un ancêtre commun avec les singes, c’est différent !…

- Non, c’est exactement pareil. Ils croient, et vous aussi, qu’ils sont des espèces de singes dégénérés, surgis du néant par hasard, comme ça, sans raison… et qui mourront aussi par hasard, réintégrant un néant qu’au final, on se demande bien pourquoi ils ont quitté…

- C’est un résumé un peu dur de la condition humaine.

- Dans ces conditions, est-ce que ça vaut la peine de vivre ? Si je me mets à leur place, je ne vois vraiment aucune bonne raison de supporter une existence insupportable. Autant retourner au néant tout de suite, comme ça on gagne du temps. Puisque de toute façon, il faut mourir un jour… pourquoi souffrir ?

- Enfin, tout de même… La vie a de bons côtés.

- Pas pour tout le monde. Bref… comme leur esprit est déjà saturé de mensonges, je n’ai pas besoin d’insister beaucoup pour les convaincre que c’est mieux de l’autre côté.

- Bon, j’ai compris comment vous faites pour pousser les gens au suicide. Maintenant, j’aimerais comprendre pourquoi… Pourquoi vous faites ça ?

- Et bien… C’est assez évident, il me semble. La vie est un test, un examen : si j’arrive à les convaincre de quitter la salle avant la fin de l’épreuve, ils se ramasseront une sale note, tandis que s’ils restent jusqu'au bout à plancher sur leur copie, je ne suis sûr de rien.

- Mais… c’est quoi votre intérêt là-dedans ?

Soudain, l’Ennemi perdit son calme :

- Le premier homme n’était que de la boue ! Sa progéniture n’est que de la boue ! Moi je suis noble, moi j'ai été créé à partir du feu ! Tous ces bouseux ne valent rien, ils ne valent pas mieux que moi ! Et je le prouve… Je les entraîne avec moi…

L’Ennemi reprit sur un ton plus posé :

- D’ailleurs, misère aime compagnie. Je ne serai pas seul en Enfer.

- Vous dites que la vie est un examen. Concrètement, ça signifie quoi ?

- Vous ne savez pas ce qu’est un examen ?

- Et bien… c’est une épreuve. On essaie de faire du mieux que l’on peut pendant un temps donné pour obtenir son diplôme.

- Exactement. Tant qu’un être humain est en vie, son examen continue et (malheureusement) il y a de l’espoir pour lui. Jusqu'à la dernière minute, ou presque, ils peut se tourner vers l’Autre, lui demander son aide… s’apercevoir que je leur ai bourré le crâne avec des mensonges « scientifiques »… et dans ce cas, c'est fini : j’ai perdu la partie. Mais ce n’est pas à moi de vous donner des détails sur la manière dont les gens peuvent se sauver. Ce n’est pas mon boulot.

01 mars 2007

Simple et difficile

La solution à quasiment tous les problèmes est à la fois très simple, et très difficile.
Ce n'est pas aussi contradictoire qu'il y parait, car "simple" ne veut pas dire "facile".

"Simple" veut seulement dire : qui n'est pas complexe, qui n'est pas double ou multiple. Qui est composé d'un petit nombre d'éléments. Ou encore : qui est facile à comprendre.

Un exemple. La solution au problème de l'alcoolisme est fort simple : il suffit d'arrêter complètement de boire de l'alcool. Il n'y a pas à tortiller ou à tergiverser : c'est ça, la solution. Il n'y en a pas d'autre.

Mais que la solution soit simple ne la rend pas facile pour autant...

Certains ne supportent pas cette simplicité. Ils disent : "non, ce n'est pas la solution : ce serait trop facile..." confondant simplicité et facilité.

Il n'est pas facile d'arrêter l'alcool - mais c'est simple.
Il n'est pas facile d'atteindre le sommet de l'Himalaya - mais c'est simple.

On sait très bien ce qu'il faut pour ça : grimper.
Aucune autre méthode.
Et lorsqu'on est arrivé au sommet, aucun doute n'est possible : on y est.

La solution à la dépression n'est peut-être pas plus compliquée... ce qui ne veut pas dire qu'elle est facile.

De la chenille au papillon

La métamorphose d’une chenille brunâtre, poilue, boursouflée et rampante en un gracieux papillon aux ailes jaune citron cernées de bleu et de rose n’est pas plus vraisemblable que celle d'un ou d’une dépressif perdu, angoissé et obsédé par les idées noires en un sage serein, lumineux (non de sa lumière propre, mais de celle qu’il sait recevoir).

Mais c'est dans la nature de la chenille de se transformer, et cette métamorphose-là est irréversible, alors que l’être humain peut très bien rester chenille, ou ne se changer en papillon que pour rétrograder à sa condition initiale ensuite.

L’être humain n’est pas un animal comme les autres – et peut-être même que ce n’est pas un animal du tout. Alors que les animaux suivent sans dévier d’un iota un scénario écrit d’avance, avançant sans rechigner sur la route instinctuelle de la nature qui leur est propre, l’être humain ne sait même pas qu’il a une route à suivre, et où il doit la chercher. Il batifole à droite et à gauche de son chemin sans le reconnaître, il erre au milieu des ronces sans savoir où il va – bref il est libre, avec tous les inconvénients que ça comporte.

Et cette métamorphose désirable qui change un être qui rampe en un être qui vole, il peut aussi bien la refuser que l’accepter quand elle se présente.