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05 mars 2007

"On ira tous au Paradis..."

Il y a au moins deux manières de se faire une opinion sur un sujet donné.

La première, c’est d’examiner le pour et le contre, de faire des recherches personnelles, de peser les différents arguments, d’utiliser son discernement.

La seconde, c’est de… rien, en fait. Il suffit d’être là, et de respirer. L’opinion s’introduit tel un virus lorsqu’on inspire, et ne s’en va pas lorsqu’on expire (sauf peut-être quand on expire pour la dernière fois). Ces opinions là, qui sont venues à nous et en nous sans qu’on les invite, sont ce qu’on appelle des idées reçues. Effectivement, on n’a pas pris la peine de les chercher : on s’est contenté de les recevoir.

Elles flottaient, invisible, dans l’air, sous forme de paroles ou de musique… on a écouté distraitement, elles se sont faufilées, on a entendu, elles se sont infiltrées, on a chantonné, elles se sont incrustées.

Et c’est ainsi qu’on ira tous au Paradis.

Lorsqu'on attrape la grippe, c'est en réalité la grippe qui nous attrape. Pour les idées reçues, c’est la même chose : elles nous dominent et nous mènent par le bout du nez sans que nous nous en rendions compte. En effet, nous ne savons même pas que nous croyons quelque chose - pour nous, c'est la réalité, la vérité, une évidence qui ne se discute pas. Un peu comme quelqu'un qui verrait le monde à travers des lunettes déformées et colorées, mais qui ne le saurait pas : il prendrait sa vision cubiste ou expressionniste pour la réalité qui l'entoure.

C’est pourquoi on ira tous au Paradis.

L’enfer est un mythe dérisoire, une plaisanterie, un épouvantail pour esprit moyenâgeux et crédule – mais par contre, nous irons tous au Paradis. C’est complètement logique : la démocratie, c’est le paradis sur la terre ; donc le paradis, c’est la démocratie dans le ciel. Nous sommes tous égaux, tous pareils. Les méchants sont comme les gentils, et d’ailleurs, les méchants, est-ce que ça existe ?... Il n’y a que des gens qui souffrent. Il n’y a que des victimes.

On ira tous au Paradis.

Paradis fait par qui ? Certainement pas par Dieu, qui n’existe pas. Par le diable peut-être, qui est plus gentil qu’il n’en a l’air, et qui d’ailleurs n’existe pas, lui non plus.

On ira tous au Paradis.

Ce n’est pas Dieu qui l'a dit, mais un chanteur qui cache ses yeux mais pas ses fesses : on peut lui faire confiance.

On ira tous au Paradis.

Bien sûr, on pourrait objecter que les trois religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam) ont toutes évoqué un jour ou l’autre le paradis et l'enfer. Pour connaître la réponse à une question telle que Qu’y a-t-il après la mort ?, il serait peut-être plus raisonnable de se fier à des livres révélés ou de rester dans le doute plutôt que de croire à ce que chante une pop star. De même que sur un sujet tel que. Ça fait quoi d'avoir des fans qui portent les mêmes lunettes et la même moumoute que vous ?, il serait plus raisonnable de croire Michel Polnareff que des livres révélés : chacun sa spécialité… Mais ces arguments-là n’ont aucun poids, aucune valeur, car ils s’adressent à la partie consciente et lucide de cerveaux hypnotisés par une magie hammelinoise.

Et le petit homme aux grandes lunettes partit en chantant et en jouant de la guitare…

On vit très vite des têtes de grands enfants regarder aux fenêtres. Puis un ex-gamin sortit de chez lui, et contempla avec enthousiasme l'homme qui chantait si bien. Vint un deuxième, puis un autre et tous le regardaient, envoûtés. Celui-ci chantait toujours; sa chanson était de plus en plus captivante, elle leur faisait imaginer des pays merveilleux où ils n'auraient qu'à s’amuser sans jamais être contrariés ou punis…

Un paradis pour tous…

Et ainsi cette bande d'enfants pour qui le temps avait passé devenait de plus en plus nombreuse. Tous n’étaient pas heureux, loin de là – mais tous suivaient de plus en plus vite le chanteur à la guitare. Il leur donnait l’espoir d’obtenir sans le moindre d’effort une vie idéale après leur mort.

Personne n'aurait pu les faire changer de route. Au son de la flûte la montagne s'entre ouvrit et tous, le chanteur en tête, passèrent l'un après l'autre à travers la porte qui se referma aussitôt.

Réfléchissons avant d’agir.

Réfléchissons avant de nous suicider.

Et si le paradis pour tous n’était qu’un vers de terre aguicheur se tortillant sensuellement au bout d’un hameçon, et que nous étions le poisson ?

5 commentaires:

  1. La destinée n'est pas qu'indiniduelle,elle est aussi familiale
    et l'enfer est aussi sur terre pour ceux qui dans une famille doivent assumer le prix des fautes de leurs parents et ancétres et sont investis disons plutot sacrifiés pour payer la dette de famille et ainsi en délivrer le reste de la famille

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  2. A moins que l'on soit pieds et poings liés, il n'y a pas de destinée familiale à laquelle on ne puisse échapper, si on le veut réellement. C'est pas plus dur de devoir affronter ça qu'une autre épreuve difficile, d'un autre ordre. Maintenant si on a envie de se complaire dans ce rôle ou si l'on estime qu'il est important et utile que quelqu'un l'incarne et qu'on consente à ce que ce quelqu'un soit sa propre personne, pourquoi devoir s'en plaindre?

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  3. Est-ce que la question repose sur l'idée du paradis ? Qui peut prétendre y croire sincèrement ? Non je crois que le suicide s'apparente plutôt à une porte "exit", quelque soit l'univers qui hante son envers, de préférence le néant, mais après tout... Une sorte de paris je crois

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  4. Il me semble que face à n'importe quelle porte qui ne s'ouvre que dans un sens, on doit s'interroger sérieusement et rationnellement sur ce qu'il y a au-delà, et aussi faire des recherches sur le sujet, avant de la franchir - passer la porte simplement parce que l'endroit où on se trouve nous déplait relève de l'inconscience.
    Lucia

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  5. Il est malheureusement totalement impossible de s'interroger rationnellement sur l'existence et les modalités d'entrée d'un endroit comme ... le Paradis; à moins de passer par la case du Pari de Pascal. Et encore. Il n'en reste pas moins vrai que le suicide est une fausse solution à tous les égards. La seule légitimité qu'il y aurait à sauter ce pas ultime, serait d'avoir déjà tout vécu, des abysses jusqu'aux cimes, de manière exhaustive, et d'en avoir saisi le sens; ce qui ne peut évidemment pas être le cas, quelle que soit l'existence considérée.
    Se suicider par dépit de ne pas comprendre, en croyant qu'après, des réponses, qu'on pourra enfin appréhender, nous seront données, c'est être dans l'erreur la plus complète qui soit. "On efface tout et on recommence": Il n'existe rien qui ressemble à ça. Idem pour ceux qui pensent "On efface tout et... Point Final." On aurait donc si peu de pouvoir, qu'on décide d'arrêter Le Jeu, en croyant naïvement que Jeu va obtempérer et se laisser arrêter!

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