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05 novembre 2007

Déprime ou dépression ?

"Grosse déprime ou petite dépression ?..." Telle est la question qu'on met en avant sur certains sites gouvernementaux ou médicaux, comme si elle était vitale.

Effectivement, elle s'impose avec la même urgence que cette autre question (qu'on ne se pose pas à moins d'avoir de sérieux problèmes de vue) : "gros chat ou petit tigre ?..." Car si c'est un gros chat on peut lui gratter la tête pour qu'il ronronne, alors que si c'est un petit tigre il faut décamper tout de suite.

La déprime n'est… pff… la déprime n'est rien de sérieux. On nous l'explique dans les magazines, les sites officiels, les livres spécialisés : "attention, attention !... Il ne faut surtout pas confondre la déprime et la dépression, non, non, ça n'a rien à voir. La première est banale, normale, la seconde est une maladie qu'il faut soigner[1]."

De même que les dettes de consommation n'ont rien de commun avec le surendettement… (C'est du moins ce que nous serinent les jolis magazines polychromes que des organismes de crédit qui ne veulent que notre bien nous envoient par la poste, lorsqu'on a eu la bêtise de faire une fois appel à leur service.)

Déprime ou dépression ? Une espèce de dérision un peu fourbe se cache derrière cette question soi-disant vitale… Une petite histoire, rigoureusement pas historique, la mettra au jour.

C'était un pays sauvage où n'habitaient encore que quelques tribus… Des gens pacifiques qui péchaient le poisson…

Un jour, un bateau chargé de conquérants arrogants et rusés débarqua sur la côte. Ils décrétèrent que tout le pays leur appartenait, et que quiconque y poserait les pieds devraient payer l'impôt en poissons, en travail gratuit, et en relation sexuelle pour les femmes. Les habitants se refugièrent alors dans les arbres (de grands cocotiers), mais souvent, ils étaient obligés de mettre pied à terre - et dans ce cas ils devaient payer. N'ayant ni les stratégies ni les technologies nécessaires pour organiser leur résistance, ils n'avaient pas vraiment le choix...

La déprime, c'est les cocotiers ; la dépression, c'est le sol. Tant que vous n'êtes que déprimé, tout va bien pour vous, vous êtes normal, vous faites ce que vous voulez - mais si vous posez un orteil par terre, c'est fini : vous n'êtes plus chez vous, vous êtes chez eux. La dépression est le territoire des conquérants ; c'est leur royaume, leur pays ; lorsque vous y mettez les pieds, il faut faire ce qu'ils vous disent de faire.

Il n'y a aucune différence réelle entre une grosse déprime et une petite dépression, c'est juste deux manières différentes de dire exactement la même chose - mais comme la dépression a été accaparée par des colons déterminés et intelligents face auxquels les indigènes du cru ne font pas le poids, avant de descendre de son arbre mieux vaut y réfléchir à deux fois.

C'est pourquoi, si je devais choisir entre les eux, je préfèrerais avoir une énorme, une monumentale déprime plutôt que la plus riquiqui des dépressions, car en cas de déprime, on reste libre de s'occuper de soi comme on l'entend, alors qu'en cas de dépression, il y a qu'une seule route, une autoroute avec péage, et malheur à qui s'en écarte, car il est maudit.

"Vous prendrez trois cachets d'effexor tous les soirs… et si ça ne suffit pas, on augmentera les doses. Les effets secondaires ?... Quels effets secondaires ?... Ne vous occupez pas de ça, ça ne vous regarde pas."

"Vous ne voulez pas prendre de cachets ?... Vous ne voulez pas voir un psy ?... Alors, ne venez pas vous plaindre, car au fond, vous ne voulez pas aller mieux ! Vous vous complaisez dans votre malheur, et puisque vous ne voulez rien faire pour vous, on ne peut rien faire pour vous. Allez, dégage, ton malheur on s'en fout !"


[1] Dans ce contexte, « soigner » signifie : aller voir un psy et prendre des cachets.

1 commentaire:

  1. "allez dégage ton malheur on s'en fout"
    c'est assez marrant cette phrase qui finit l'article.

    Le malheur est tellement partout est surtout bien pire que chez nous.

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