Tout le monde n'a pas touché le fond de la détresse humaine. Peut-être parce qu'elle n'a pas de fond, ou peut-être parce que ce n'est pas le destin de tout le monde.
Quand on se lance à l'aveuglette dans un voyage, sans rien préparer, sans même savoir si quelqu'un sera là-bas pour attendre, et qu'effectivement, il n'y a personne là-bas qui attend - qu'une silhouette rapide qui dit : "non, je ne peux pas lui faire ça... elle ne comprendrait pas..." et que la voix doucereuse qu'il prend pour lui parler au téléphone vient déchirer une des fibres les plus intimes, les plus personnelles et les plus tendres de son coeur, il ne reste plus qu'une panique horrible, une souffrance effrayée d'enfant battue - un fragment de passé inconnu qui ressurgit au milieu du présent par la détresse, et cet énorme rocher glacé destructure et défait tout ce qui est autour.
Chagrin d'amour ne dure qu'un moment... mais combien de temps ça dure, un moment ? Menottée, pieds et poings liés, soumise à mon seigneur et maître, j'ai souffert.
Comment tant d'autres avant moi, après moi, de cette souffrance humiliante, écrasante, illimitée, qui semble avaler le monde comme une bête gigantesque, pour ne plus rien laisser que la pente étroite et glissante où, inéluctablement, on va dévaler.
Et cette déchéance est pressentie, on se raccroche à ce qui nous entraine au fond du gouffre. Lui qui était ma perte, je le voulais mon sauveur.
Pourquoi ?
Pourquoi cette faiblesse au milieu, au centre, pourquoi cet esclavage ?
Parce qu'il m'a tendu le miroir illusoire où j'ai cru enfin me voir en belle ?
Ego fragiles, incertitudes identitaires qui nous rendent si vulnérables... La connaissance a déchiré comme une lame les cocons gluants du rêves, et je dis MERCI, MERCI, MERCI -
merci à toi, indicible ici.