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08 mai 2008

Maladie du dictionnaire

Chacun d'entre nous voit le monde au travers de ses idées, ses pensées, ses souvenirs - et chacun d'entre nous construit ses idées, ses pensées et ses souvenirs avec des mots.

Les siens : ceux de son dictionnaire personnel et privé, intime.

Mais que se passe-t-il si le dictionnaire est incomplet ?
Si des mots manquent?
Si des définitions sont fragmentaires ?
Ou, pire encore, si des définitions sont fausses ?...

Prenons par exemple le cas de Josiane, qui broie du noir. Dans son dictionnaire personnel, elle a 250 mots et expressions figées pour parler de ses problèmes, et 2 pour parler du bonheur.

Lorsqu'un bonheur lui arrive, elle n'a rien pour l'attraper, rien pour le retenir, rien pour le conceptualiser, rien pour le mémoriser - bref : son absence de vocabulaire sur ce sujet l'empêche de prendre conscience de ses moments de bonheur, d'en parler, d'y repenser... et donc, l'empêche de les prolonger délibérément, de les cultiver.

Prenons maintenant l'exemple de Gérard, qui lui aussi broie du noir. Dans son dictionnaire personnel, le mot "normal" occupe une place de premier plan.

Or, Gérard n'a pas conscience que sa définition de "normal" mêle norme sociale et norme naturelle, diktats de la société et conformité à la saine nature. Du coup, dès qu'il a une manière de penser légèrement différente de celle que la société conseille, il se sent "pas normal". Ce jugement lui pèse. Mais il ne peut s'en débarrasser, puisqu'il est inscrit dans son dictionnaire.

Prenons encore l'exemple de Joséphine. Comme Josiane et Gérard, Joséphine broie du noir. Elle dit souvent "ça me saoûle"... c'est une image pour dire qu'elle est exaspérée par telle ou telle chose. Le problème, c'est que dans "ça me saoûle", il y a "saoûle" - et Joséphine, emportée par le tourbillon d'une vie ivre, n'a effectivement pas les idées tout à fait claires...

Et si on prenait des exemples moins réalistes?

Imaginons que quelqu'un ne dispose pas du mot "pain" (ni du champ lexical du pain) - est-ce que vous croyez que son alimentation en comportera beaucoup ?... Lorsqu'il aura envie de pain, il pourra seulement dire : "heu, tu peux me ramener, heu, ce truc là... tu sais..." "Non, je sais pas. Quel truc ?" "Ce truc qui se mange... qui est cuit..."

Et lorsqu'il entre chez le boulanger: "est-ce que vous auriez... heu... ce machin-là, là, long..." "Une baguette" "Je ne sais pas... ça."

Vous croyez qu'il va continuer longtemps à manger du pain? bien sûr que non !

Imaginons maintenant que ce ne soit pas le "pain" qui manque à son vocabulaire, mais une autre notion plus abstraite - comme par exemple, la justice. Ou la logique. Ou la pensée.
Est-ce que vous pensez qu'il sera juste ? ou logique ? ou qu'il réfléchira beaucoup ?...

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