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26 novembre 2008

Les antidépresseurs en perspective

Si on garde le nez collé sur la boite, on ne peut pas comprendre ce que sont réellement ces petits cachets aux propriétés étonnantes, un peu inquiétantes.

Pour découvrir de quoi il s'agit, il faut les replacer dans leur contexte. Prendre du recul. Faire un zoom arrière pour voir le tableau dans son ensemble...

Et que découvre-t-on ?

Que les antidépresseurs se situent au carrefour de deux routes.

L'une, celle des traitements psychiatriques (utilisés dans les hôpitaux psychiatriques sur des patients qui n'ont pas vraiment le choix - même aujourd'hui) ; l'autre, celle des produits utilisés par des médecins pour remonter le moral de leurs patients démoralisés, "dépressifs".

C'est en prenant en compte ces deux lignes, que l'on peut comprendre ce que sont les antidépresseurs - point où elles se croisent.

Traitements psychiatriques.
Dans les années cinquante, on connaissait trois méthodes "efficaces" - enfin, c'est ainsi qu'on les considérait à l'époque. Efficaces, car "de choc". Et si le "car" vous semble discutable, c'est que nous ne sommes plus dans les années cinquante. De nos jours, un peu de subtilité est devenue de mise. Bref.

La première méthode : la lobotomie.
On ouvre le crâne du patient (qui n'est pas consentant : puisqu'il est fou on ne lui demande pas son avis) et on coupe délicatement quelque chose - ne me demandez pas quoi - dans son cerveau. Puis on referme le tout.

Le patient est beaucoup plus calme ensuite.

Deuxième méthode : le choc insulinique.
On injecte de fortes doses d'insulines au patient (auquel on n'a toujours pas demandé son avis, puisqu'on vous dit qu'il est fou), qui tombe dans le comas - son cerveau manquant de sucre. Juste avant qu'il ne meure, on le ranime avec du jus d'orange et du sucre.

Le patient est beaucoup plus calme ensuite. Et si on répète suffisamment le traitement, il devient aussi beaucoup plus obèse.

Troisième méthode : les électrochocs.
On électrocute le patient, enfin sa tête.

Le patient est beaucoup plus calme ensuite.
Et comme il oublie la séance d'électrochocs, et que ses capacités intellectuelles diminuées ne lui permettent pas de se rendre compte qu'il en a perdu (des capacités intellectuelles), il ne sait pas vraiment ce qu'on lui a pris.

Les conséquences de ces trois méthodes sont proches : cerveau abîmé, personnalité amoindrie, voire anéantie, et parfois une reconnaissance proche du syndrome de Stockholm à l'égard du personnel soignant, qui tue (presque) le patient et le rattrape aux portes de la mort... Les otages qui aiment leurs ravisseurs les aiment pour le mal qu'ils ne leur font pas et qu'ils pourraient leur faire - ici, c'est un peu pareil.

Et puis vinrent les cachets...

Non, ils n'ont pas tout chamboulé ; le changement est plus superficiel, plus apparent que profond. La violence dérangeante - et qui dérangeait même certains psychiatres, qui trouvaient que le visage angoissé du patient soumis au "traitement" était désagréable à voir - s'est estompée, certes. Mais les effets sont plus ou moins les mêmes.

Cerveau abîmé, personnalité amoindrie, voire anéantie.

La grande nouveauté, c'est que même si l'on continue à "soigner" les patients contre leur gré dans les hôpitaux, il y a, dans le vaste monde où chacun fait ce qu'il veut, des gens pour s'imposer à eux-mêmes les mêmes traitements qu'on impose de force dans les institutions psychiatriques.

Quoi de plus étrange ?...

Qu'un être humain libre - du moins il en a l'air - choisisse d'abîmer son cerveau, d'amoindrir, voire d'anéantir, sa personnalité ?

Mais peut-être cette liberté n'est qu'apparente... Est-on libre lorsque, soumis au bombardement d'une propagande perpétuelle, on suit à toute allure les rails du métro-boulot-dodo ?... Pour être libre, il faut être informé ; la désinformation préserve l'apparence de la liberté, en la vidant de son contenu.

Les consommateurs d'antidépresseurs n'ont pas choisi les antidépresseurs par leur propre volonté éclairée, ils les ont choisi par défaut, ils les ont choisi parce qu'ils ont laissé quelqu'un d'autre choisir à leur place.

Et - si ça fait longtemps qu'ils en prennent - il se peut que leurs facultés intellectuelles amoindries ne leur permettent pas de réaliser ce que ces cachets leur ont volé.

C'est ce qu'on appelle l'anosognosie - une inconscience de ce qu'on a perdu. De même que certains malades ne savent pas, en toute bonne foi, qu'ils sont devenus aveugles, même s'ils se cognent au mur, de même sous l'effet des antidépresseurs, on peut très bien ne pas se rendre compte des capacités cognitives et volitives que l'on a perdues.

Et c'est logique : comment s'en rendrait-on compte, si c'est justement une partie de son intelligence que l'on a perdue ?...

Lorsqu'une personne vous parle au ralenti, comme s'il y avait entre elle et vous des kilomètres d'eau, lorsque (de toute évidence) son esprit est à la traîne quelque part derrière son corps ; lorsque sa bouche s'entr'ouvre et que son regard se vide ; elle ne se rend pas compte qu'il y a quelque chose qui cloche.

Ce n'est pas comme un ancien sportif, qui est bien obligé de se rendre compte qu'il n'a plus les capacités physiques qu'il avait, car il a encore toute sa tête pour mesurer l'écart entre avant et après.

Lorsqu'on perd la tête (la volonté, l'intelligence, le logique, ou pire encore les trois), on n'a plus ce qu'il faut pour mesurer l'écart entre avant et après.

C'est pourquoi les gens qui prennent des antidépresseurs se croient parfois "sauvés" par leurs cachets, auxquels ils ne voient que des bons côtés - alors même que leur entourage constate et déplore la diminution de leur personnalité et de leur intelligence.

C'est seulement lorsqu'on arrête les cachets - et que leurs effets a commencé à s'estomper, ce qui peut prendre du temps, et parfois hélas les dommages sont irréversibles - qu'on prend conscience de ce qu'on avait perdu... et qu'on est en train de récupérer.

De la lobotomie aux antidépresseurs, il n'y a eu progrès que sur l'emballage.
La lobotomie ne faisait envie à personne ; personne ne voulait subir de lobotomie. Les antidépresseurs suscitent eux une certaine convoitise : et si le bonheur, c'était aussi simple qu'un cachet avec un verre d'eau ?...

La "solution de facilité" nous prépare des lendemains sinistres, mais nous n'en avons pas conscience.

De la lobotomie aux antidépresseurs, le dommage est mieux caché, le crime moins apparent. Mais dans les deux cas, il y a crime. Et la victime n'est plus vraiment à même de savoir ce qu'on lui a volé - parfois avec son accord !

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