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25 décembre 2008

La faute au psychiatre ?

Je m'aperçois que les nombreuses critiques dont les psychiatres font directement ou indirectement l'objet dans ce blog pourraient tenter certains lecteurs d'accuser leurs psychiatre d'être responsable de les enfoncer dans leur mal-être - voire d'être purement et simplement à l'origine de leur mal-être.

Chaque fois qu'on accuse les autres (n'importe lesquels) d'être à l'origine de nos états d'âme, on fait l'impasse sur la moitié de l'équation qui nous concerne.

Quelle équation ?...

Celle-ci :

Situation + Réaction = Résultat

Nous n'avons pas de contrôle direct sur la situation présente : prisonnier des embouteillages, nous sommes indiscutablement prisonnier. Aucun moyen d'y échapper dans la seconde.

Par contre, nous sommes libres de nos réactions.

Comme disait je ne sais plus qui, nous sommes les maîtres des paroles que nous n'avons pas prononcées, et les esclaves de celles que nous avons dites...

Ce qui n'a qu'un rapport assez lointain avec le sujet, me direz-vous peut-être...

Si, quand même : notre liberté se trouve en amont de nos paroles, à cet instant parfois très bref, parfois à peine conscient, où nous choisissons de parler ou de nous taire, de nous énerver ou de garder notre calme, de faire preuve d'optimisme ou de nous laisser aller aux plaintes, d'assumer ou de chercher des excuses, etc.

Notre réaction est à nous ; elle n'est pas déterminée automatiquement par la situation. La preuve : prisonniers de la même situation, certains arrivent à la transformer en un moment agréable et constructif, tandis que d'autres s'y abîment la santé par colère, angoisse, etc.

Qu'un psychiatre puisse faire des dégâts... c'est une réalité. Mais il ne faut pas oublier que :

- nous sommes libres d'aller le voir, ou pas ;
- nous sommes libres de le croire, ou pas ;
- nous sommes libres de revenir le voir, ou pas ;
- nous sommes libres de nous soumettre à ses ordonnances, ou pas ;
- nous sommes libres de, etc.

En lisant un témoignage écrit par une américaine, j'ai été frappé par le peu de liberté que les patient-e-s américain-e-s se reconnaissent vis-à-vis de leur docteur ou psychiatre.
Mais peut-être qu'en France, c'est pareil ?...

Ces pauvres brebis continuent leur traitement, alors même qu'elles ont pleinement conscience qu'il les envoie en enfer (Akathisie, par exemple), parce que malgré toutes leurs supplications, leur docteur persiste et signe : il ne veut pas qu'elles arrêtent.

Alors, puisque leur docteur ne leur a pas donné l'autorisation d'arrêter, elles continuent, la mort dans l'âme, à avaler leurs cachets.

Pourtant, le docteur n'est pas là, à côté d'elles ; il ne leur braque pas le canon d'un révolver sur la tempe en leur disant "avale!"

L'autorité qu'il a sur elles n'est rien de plus que l'autorité qu'elles lui ont consenti. Il suffirait qu'elles lui retire le droit de leur dire quoi avaler, et ce serait fini : elles seraient libres.

"Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous !..." telle était plus ou moins la devise du journal révolutionnaire le plus vendu en 1789.

Les psychiatres, les docteurs ne sont tout-puissants que parce que nous leur remettons les pleins pouvoirs. Alors à quoi bon accuser ceux qui ne peuvent nous nuire qu'à condition que nous y consentions ?... à quoi bon les blâmer de notre propre crédulité, de notre propre soumission trop aveugle ?

Même s'il est bon de faire la différence entre les bons conseillers et les mauvais, on ne se libère de rien par la haine. Les émotions puissantes enchaînent toujours à ceux pour lesquels nous les ressentons.

Règle général : les 3/4 du temps, c'est de nous-même que nous sommes victime beaucoup plus que des autres.

Ce qui veut dire que nous avons toujours eu le pouvoir de ne pas l'être... simplement nous n'en avions pas conscience.

Petit souvenir d'hôpital psychiatrique.

Je suis en pyjama, sur mon lit ; le psychiatre débarque, et dans son sillage une ribambelle de jeunes gens zélés, ses étudiants peut-être. Il va leur montrer ce que c'est, l'hôpital ! Ces phrases tranchantes me font pleurer ; ses allusions sexuellement freudiennes m'agressent. Pourquoi veut-il à tout prix que je refoule des désirs malsains pour mon père ?... Je sanglote avec violence, criant mon désespoir d'être exclue de la vie ; une douloureuse compassion se lit sur les visages des jeunes gens, pas encore blasés (ça viendra). Le Grand Chef sort comme il était entré, en coup de vent, emportant sa suite avec lui - je reste seule à pleurer sur mon lit d'hôpital.

Alors ?

Est-ce "sa faute" ?

Je n'étais pas obligée de pleurer. Je peux bien sûr dire que c'était "plus fort que moi", mais en réalité, ce n'était pas plus fort que moi. J'ai joué mon rôle dans cette brève tragi-comédie. J'aimais étaler mes émotions en public... même si ça me faisait mal et m'humiliait aussi.

Il y a quelques temps, j'ai repensé à cette scène, et pour me faire plaisir, j'ai inversé les rôles.

Sur le lit d'hôpital, en pyjama à pois, les pieds nus, ce n'était plus moi, c'était lui.

Et le Grand Chef, c'était moi (très élégante dans une belle robe noire brodée spécialement pour l'occasion par mon imagination). Les jeunes gens étaient là, comme la dernière fois... groupés autour de moi, ils m'écoutaient avec respect.

Et moi, j'accablais ce pauvre psychiatre désarmé et inoffensif : "Alors ? On fait le moins malin, maintenant ? On a bien avalé ses cachets ?... Où est le pouvoir, maintenant ? où est la gloire ? Tous les traitements que vous avez infligé à vos patients, on va vous les infliger... un par un ! Oeil pour oeil, dent pour dent et cachet pour cachet..."

Mais au bout de vingt minutes, la scène perdait déjà tout son sel... Au final, je préfère largement avoir été "la victime" (toute relative) que n'importe quel autre participant à cette scène.

La souffrance s'efface, mais la culpabilité - la vraie - ne s'efface pas.

L'important n'est pas caché dans hier, l'important est à chercher du côté d'aujourd'hui et de demain : quels choix faisons-nous aujourd'hui pour préparer demain ?

La vie n'est pas un paradis inaccessible, un lieu de lointains délices ; la vie n'est pas à atteindre, à rejoindre - la vie n'est rien de plus que votre vie ; elle n'est rien d'autre que ce que vous faites chaque jour de vos heures, rien d'autre que la manière dont vous employez les minute qui vous sont accordées.

Il n'y a pas de répétition : cette vie-là est la seule chance qui nous soit donnée.

Alors, est-ce la faute du psychiatre, si...?

Ou est-ce que cette question est tout simplement sans intérêt ?...

Oublions le psychiatre ; oublions tous ceux qui nous ont fait du mal. Ils n'ont aucun pouvoir sur notre avenir, qui nous appartient.

Que faites-vous aujourd'hui ?
Que voulez-vous pour demain ?
Comment harmonisez-vous ce que vous faites aujourd'hui avec ce que vous voulez pour demain ?

3 commentaires:

  1. Bonsoir Lucia,
    De très beaux posts encore.
    2 petites questions:
    - "La souffrance s'efface, mais la culpabilité - la vraie - ne s'efface pas." > qu'entendez-vous par là ?
    - êtes vous sincère, sûre et certaine de vous lorsque vous affirmez que vous ne vous êtes jamais considérée comme "dépressive" et que c'est çà qui vous a sauvé ? Ceux qui se disent et se voient "dépressif" sont-ils alors condamnés ??
    Merci d'avance pour une réponse dans un prochain post j'espère.

    Julien

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  2. Salut Julien,

    pour ce qui est de "la culpabilité ne s'efface pas"... c'est un point qui, si je le développais, me ferait sortir du cadre de ce blog.

    Disons seulement que la culpabilité est quelque chose qui peut s'oublier, mais non se gommer - alors que la souffrance peut s'oublier ET se gommer. Lorsqu'on fait quelque chose de mal, on peut l'oublier pendant très longtemps, mais dans certaines circonstances le souvenir resurgit et les regrets commencent.

    Là, je ne parle que de la dimension psychologique ; mais il y a une autre dimension plus importante.

    Quant à la condamnation des "dépressifs" qui se considèrent comme tels à le rester, il ne faut pas oublier que personne ne les force à continuer à se croire dépressif... Dès qu'on a compris que ça ne sert à rien, que ce n'est pas utile, on met déjà un pied en dehors.

    C'est par soi-même qu'on est condamné à la dépression - ce qui signifie qu'on a aussi le pouvoir de se gracier.

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  3. Salut Lucia,
    Vos affirmations sur la culpabilité me font froid dans le dos... puisque mon mal être résulte avant tout d'un sentiment de culpabilité donc tout çà ne me fait pas beaucoup positiver... être condamné à vivre avec ce sentiment destructeur m'inquiète fortement...
    Petite question Lucia: ces affirmations sur cette culpabilité sont si affirmatives car vous êtes passée par là et parlez en connaissance de cause ????
    Dire que l'on peut oublier mais qu'elle peut ressurgir à tout moment n'est-il pas synonyme d'une "rechute dépressive" ??
    Quant à la "condamnation des dépressifs" je suis forcément d'accord avec vous mais + facile à dire qu'à faire de ne pas continuer à se croire dépressif...

    Julien

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