Recevez gratuitement les 20 premières pages du TRESOR + LA LETTRE BLEUE


 

23 janvier 2009

La psychologie du psychiatre

Lui aussi, il en a une. Il n'est pas seulement le fidèle observateur objectif des troubles mentaux de ses patients perturbés.

Lui aussi, il a des rêves - dont certains le réveillent la nuit en sueur.

Lui aussi, il a des fantasmes inavouables, des images mentales dérangeantes qui le traversent.

Lui aussi, il a un passé, des souvenirs d'enfance.

Le psychiatre n'est pas qu'une image, pas que la version 3D de Freud sombre et inquiétant, tenant son cigare... Le psychiatre est un être humain, un être qui éprouve toute une gamme d'émotions, qui expérimente comme vous la peur, l'angoisse, et le doute.

Y compris le doute sur lui-même.

C'est difficile à croire (ça ne devrait pas l'être pourtant) mais surtout, c'est difficile à imaginer...

Il incarne le Savoir, la Connaissance ; il incarne l'Autorité. Et pourtant, lui aussi a une psychologie.

Et vous tombez bien, chers lecteurs curieux, car ces derniers jours j'ai plongé dans cette psychologie.

Pas directement, mais au travers d'un roman...

- Comment ça, un roman ? Ce n'est pas sérieux ! Impossible de s'y fier ! Ce n'est pas une source d'information fiable...

Attendez, un roman écrit par un psychiatre.
Roman passionnant (et écoeurant) qui nous fait plonger dans l'univers de la psychiatrie côté psychiatres. Leurs formations, leurs réactions, leur quotidien. Rien d'aseptisé : que du cru, du brut, de l'authentique, du criant de vérité.

Si criant qu'on en est tout chamboulé...

Si vous lisez l'anglais - il ne risque pas d'être traduit en français - le roman s'appelle Mount Misery.

Ce roman m'a apporté un éclairage tout à fait intéressant sur le comportement de mon (ex)psychiatre. Je le comprends mieux, maintenant.

L'apprenti-psychiatre n'est pas forcément de mauvaise volonté... Il veut aider - enfin, parfois. Mais il est formé, c'est-à-dire déformé, et on lui apprend qu'être objectif, c'est être indifférent à ses patients. La psychiatrie est une science et ce n'est pas avec de la sympathie qu'on fait de la science. On lui apprend que s'il se montre "gentil", il se fera bouffé tout cru. On lui enseigne la froideur comme une qualité première du thérapeute : s'il arrive à ne ressentir aucune empathie pour ses patients, il sera d'autant plus efficace, d'autant plus utile.

On lui enseigne aussi à se focaliser dès le début sur le diagnostic. Des questions - des réponses - un diagnostic. Il doit apprendre à jongler avec le DSM-4 (le catalogue des troubles mentaux). L'important, c'est l'étiquette qu'il colle.

On lui explique qu'en réalité, ces gens-là (les patients) ne peuvent pas guérir. On ne peut que les soulager un peu, et encore... Inutile, donc, qu'il se lance dans le projet utopique de les aider réellement. C'est perdu d'avance, autant qu'il en fasse son deuil.

Telle est la formation du psychiatre. Formation qui le convainc que tout ce qu'il donnera de lui-même à ses patients, il en sera privé : la relation est du type gagnant-perdant. Si le patient gagne, le psychiatre perd ; si le psychiatre gagne, le patient est... bien soigné.

Enfin... autant qu'il peut l'être, vu qu'on ne peut pas grand chose pour lui.

On apprend à l'apprenti-psychiatre à se focaliser sur le pouvoir, et les relations de pouvoir : surtout, ne pas courir après un patient suicidaire dans un couloir, il se croirait le plus fort ; surtout, ne pas répondre aux questions un peu personnelles que vous pose un patient, il en profiterait.
Il s'agit d'une guerre.

Venons en au psychiatre sadique.

En fait, il n'est pas sadique.
Enfin, pas vraiment.
S'il aime faire pleurer ces patients, c'est qu'il ne s'autorise aucune émotion. Les larmes qu'il voit le soulage ; elles coulent à la place des siennes. S'étant interdit toute spontanéité, toute effusion, toute expression de ses sentiments, il compense en poussant les autres à exprimer leurs ressentis.

Et quel moyen le plus sûr que de les agresser, de les humilier, de les déstabiliser ?

Les émotions violents que les patients manifestent ensuite soulagent le psychiatre de celles, toutes aussi violentes, qu'il n'expriment pas. De plus, elles le réconfortent : oui, vraiment, ce patient-là a un problème, un gros problème... La preuve.

Petit-à-petit, le rôle devient peau, l'habitude seconde nature.

Le psychiatre devient arrogant.
C'est plus confortable.

S'il restait humain, il souffrirait trop de sa position fausse : il est sensé aider ; il ne peut pas aider. Le système ne le lui permet pas ; ses idées ne le lui permettent pas ; sa formation ne le lui permet pas ; sa peur ne le lui permet pas. Alors pour cacher son impuissance, il bâtit un mur de glace entre lui et l'autre - son patient, l'objet de son étude.

Le métier est dur.
Ce n'est pas facile, d'être psychiatre.
On est constamment sur la brèche, constamment à jouer un rôle, à faire semblant. C'est épuisant.

C'est peut-être pour ça qu'ils sont si nombreux à se suicider...

Cette info peut paraître étrange - elle est ici (je l'ai trouvée aussi ailleurs) :

"What's the most suicidal occupation? I won't venture an opinion for the world of work overall, but among health-care types it may well be shrinks. In a study of 18,730 physician deaths from 1967 to 1972 (men and women), psychiatrists accounted for 7 percent of the total but 12 percent of the 593 suicides (source: Rich et al., cited above)."

Et voici un article plus long sur le sujet :

"Suicide, stress, divorce -- psychologists and other mental health professionals may actually be more screwed up than the rest of us. Psychologist Robert Epstein, Ph.D., surveys the emotional toll that practicing therapy takes on peoples' lives and explains how to protect yourself from impaired shrinks.

In 1899 Sigmund Freud got a new telephone number: 14362. He was 43 at the time, and he was profoundly disturbed by the digits in the new number. He believed they signified that he would die at age 61 (note the one and six surrounding the 43) or, at best, at age 62 (the last two digits in the number). He clung, painfully, to this bizarre belief for many years. Presumably he was forced to revise his estimate on his 63rd birthday, but he was haunted by other superstitions until the day he died -- by assisted suicide, no less -- at the ripe old age of 83.

That's just for starters. Freud also had frequent blackouts. He refused to quit smoking even after 30 operations to correct the extensive damage he suffered from cancer of the jaw. He was a self-proclaimed neurotic. He suffered from a mild form of agoraphobia. And, for a time, he had a serious cocaine problem.

Neuroses? Superstitions? Substance abuse? Blackouts? And suicide? So much for the father of psychoanalysis. But are these problems typical for psychologists? How are Freud's successors doing? Or, to put the question another way: Are shrinks really "crazy"?

I myself have been a psychologist for nearly two decades, primarily teaching and conducting research. So the truth is that I had some preconceptions about this topic before I began to investigate it. When, years ago, my mom told me that her one and only session with a psychotherapist had been disappointing because "the guy was obviously much crazier than I was," I assumed, or at least hoped, that she was joking. Mental health professionals have access to special tools and techniques to help themselves through the perils of living, right?

Sure, Freud was peculiar, and, yes, I'd heard that Jung had had a nervous breakdown. But I'd always assumed that -- rumors to the contrary notwithstanding; -- mental health professionals were probably fairly healthy.

Turns out I was wrong.

Doctor, Are You Feeling Okay?

Mental health professionals are, in general, a fairly crazy lot -- at least as troubled as the general population. This may sound depressing, but, as you'll see, having crazy shrinks around is not in itself a serious problem. In fact, some experts believe that therapists who have suffered in certain ways may be the very best therapists we have.

The problem is that mental health professionals -- particularly psychologists -- do a poor job of monitoring their own mental health problems and those of their colleagues. In fact, the main responsibility for spotting an impaired therapist seems to fall on the patient, who presumably has his or her own problems to deal with. That's just nuts.

Therapists struggling with marital problems, alcoholism, substance abuse, depression, and so on don't function very well as therapists, so we can't just ignore their distress. And ironically, with just a few exceptions, mental health professionals have access to relatively few resources when they most need assistance. The questions, then, are these: How can clients be protected -- and how can troubled therapists be helped?


Psychology Today Magazine, Jul/Aug 97
Last Reviewed 28 Oct 2005
Article ID: 90"

Conclusion pour ceux qui ne lisent pas l'anglais : les psys sont plus perturbés, divorcés et suicidaires que ne l'est la population en moyenne.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire