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16 juillet 2009

"Quelle erreur ai-je commise ?"

Voilà une question qu'on peut se poser après ou pendant un épisode dépressif.

On ne comprend pas ce qui a causé le décrochement, le décalage, la chute soudaine dans cette tristesse insurmontable, épaisse. On ne comprend pas ce qui nous a rendu (soudain) si fragile, si inerte, à écouter en boucle "Ne me quitte pas..." couché sur le canapé du salon, tandis qu'à côté les plantes vertes se fanent faute d'une eau qu'on ne leur a pas versée... encore une responsabilité qu'on n'a pas réussi à assumer : prendre soin d'une créature vivante est au-dessus de nos forces.

Je me suis souvent, longtemps, posé cette question après mon premier épisode dépressif marqué. Je ne le nommais pas de cette manière d'ailleurs, mais j'étais perplexe et inquiète : d'où était-il venu ? où était-il parti ? Reviendrait-il ?...

Car il avait laissé derrière lui une impression de fragilité. J'étais contente de devoir porter pour la première fois une paire de lunettes parce que la vieillesse (dont les lunettes étaient pour mes 25 ans un symbole) m'apparaissait comme un refuge. J'avais envie d'être vieille pour ne plus avoir de combat à mener, de choix à faire, de direction à prendre. Mais je n'étais pas vieille, pas encore, et ce n'était que le début.

"Quelle erreur ai-je commise ? Où ai-je dévié ? à quel moment ai-je fait le mauvais choix ?..."

Voilà la question qui me tarabustait, avant que j'en vienne à une autre question plus existentielle ("pourquoi suis-je né?")

Cette question ("quelle erreur ai-je commise ?") est apparemment une bonne question. Mais elle présuppose que nous disposons de la bonne carte, de la bonne boussole, que le seul problème c'est la direction que nous avons prise à tel ou tel endroit, alors que le problème, ce n'est peut-être pas tant notre choix en lui-même que les paramètres d'après lequel nous l'avons fait - autrement dit, notre carte et notre boussole.

"Quelle erreur ai-je commise ?" présuppose que nos états d'âme sont entièrement sous notre responsabilité et notre contrôle, or et même si le message de ce blog est un message de responsabilisation, nos états d'âmes sont causés par des facteurs où ce qu'on a subi se mêle étroitement à ce qu'on a choisi. Autrement dit, ce n'est peut-être pas uniquement une erreur que nous avons commise, c'est peut-être aussi une erreur que nous avons subie.

"Mais alors - me direz-vous peut-être, cher habitué - est-ce que nous sommes des victimes impuissantes ?... J'avais cru le contraire ! Ne sommes-nous pas "le maitre de notre destinée" ? c'est ce que vous dites d'habitude, non ?..."

C'est vrai, c'est ce que je dis d'habitude.

Mais la réalité est un peu plus complexe et subtile que ça. Nous pouvons devenir le maître de notre destinée, et nous le sommes virtuellement, mais pour le devenir réellement et effectivement, il faut aussi comprendre et voir qu'on ne l'est pas encore.

Petit bilan de ce qu'est une existence humaine.

Après 9 mois bien au chaud, nous sortons du ventre de nos mères et pendant une dizaine d'années environ, nous sommes entièrement dépendants (tant matériellement qu'intellectuellement et affectivement) des personnes qui s'occupent de nous. Ces personnes sont généralement nos parents.

Puis nous devenons des adultes autonomes faisant leurs propres choix et vivant leur vie comme ils l'entendent.

Et un jour, nous aussi nous avons des enfants qui comme nous, après 9 mois bien au chaud, etc.

Mais ce processus apparemment simple qui conduit de la dépendance à l'indépendance peut être grippé et interrompu à n'importe quel moment. Et il l'est très souvent.

On peut rater une étape.

Et quand on rate une étape, on rate aussi les suivantes - la plupart du temps, sans s'en rendre compte.

2 commentaires:

  1. Est-ce que ce 1er épisode dépressif ne relevait pas de problèmes psychologiques ?
    Je m'explique: j'ai aussi connu un 1er épisode dépressif à l'âge de 22-23 ans si je me souviens bien mais sans problèmes psychologiques, c'était quelque chose de purement réactionnel, il n'y avait pas de pathologie (même si j'étais tombé bien bas) à la différence totale de ce qui m'arrive maintenant et qui est une vraie dépression avec ce sentiment d'être "dépressif".
    Merci d'avance pour une réponse j'espère (j'adorerai avoir votre avis là dessus) ! J'ai tellement l'impression de me reconnaître dans vos écrits...
    Edouard

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  2. Je pense que la question que je me suis posée était mieux formulée :
    "Où est-ce que je me suis trompé ?"

    L'idée sous-jacente est la même, sauf qu'elle implique que je pouvais me tromper aussi de carte et de boussole. Et c'était évidemment le cas.

    (Pour l'anecdote, grandir dans une famille à l'idéal féministe n'est pas le meilleur moyen d'apprendre à séduire)

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