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10 septembre 2009

Le jeûne est un antidépresseur

Pour les lecteurs qui, cherchant à se renseigner sur le jeûne, tomberaient sur les sites qui ont été donné par un lecteur en commentaire, ou sur d'autres sites de même farine...

Sites qui prétendent que le jeûne est soit inefficace, soit nocif, soit inefficace et nocif...

Voici un point sur lequel je voudrais attirer votre attention :

Il y a deux manières d'étudier le jeûne, comme d'ailleurs d'étudier toute chose :

1/ On peut l'étudier dans la réalité, on menant une enquête sur ce qui passe dans les faits ;

2/ On peut l'étudier "dans sa tête", en raisonnant, en faisant des hypothèses à partir de ses connaissances préalables et de sa logique.

Mais cette deuxième manière d'étudier n'est, en fait, pas vraiment une manière d'étudier. C'est plutôt une manière de philosopher.

Je vous donne un exemple : le lait.

Beaucoup de gens, de nos jours, pensent que le lait de vache est mauvais pour la santé. Si vous leur demandez pourquoi ils le croient, vous obtiendrez deux genres de réponses, qui correspondent aux deux catégories dont je viens de vous parler :

1/ "Le lait est mauvais pour la santé puisqu'il me donne mal au ventre, me rend nauséeux ou diarrhéeux, puisque des études ont prouvé que les gens qui consomment beaucoup de lait souffrent plus souvent d'ostéoporose que les autres", etc.

2/ "Le lait est mauvais pour la santé parce qu'il est initialement prévu pour un veau en pleine croissance, pas pour un être humain adulte."

Vous voyez la différence entre les deux types d'arguments ?

Les arguments de la première catégorie sont fondés sur des faits.
Même s'il ne s'agit que d'un seul témoignage, d'un témoignage tout personnel - par exemple, "le lait me donne mal au ventre" -, c'est encore un fait.

Dans la mesure où ils sont fondés sur des faits réels , ces arguments ont une valeur scientifiques (au sens large). A ce titre, ils méritent toute notre considération ; on n'a pas le droit de les balayer d'un revers de la main.

Les arguments de la seconde catégorie sont eux fondés sur des suppositions, des théories, des connaissances qui n'ont qu'un rapport lointain avec le sujet, et des raisonnements abstraits.
Ils sont spéculatifs et philosophiques et à ce titre, n'ont aucune espèce de valeur scientifique.
On peut et on doit les écarter comme des mouches importunes.

Avec ce type d'argument philosophique, on peut en effet soutenir tout et n'importe quoi.

Par exemple on pourrait décréter que les oeufs sont mauvais pour la santé "parce qu'ils sont initialement prévus pour donner naissance à des petits bipèdes à duvet jaune, et non pour nourrir de grands bipèdes à la peau rose".

Revenons au jeûne.

Mis à part ceux qui reposent sur des faits erronés ou des sophismes (il y en a), les arguments contre le jeûne sont tous - je dis bien tous - de la deuxième catégorie.

Ce sont des arguments philosophiques qui se déguisent en arguments scientifiques.

Et comme par hasard, ils émanent toujours de personnes qui n'ont jamais jeûné !

Pour savoir à quoi s'en tenir sur le jeûne, c'est très simple.
Il faut :

- interroger ceux qui le pratiquent ;

- lire le compte rendu des études qui ont été mené pour évaluer objectivement les effets du jeûne sur ceux qui le pratiquent ;

- le pratiquer soi-même.

Alors maintenant, arrivons-en au coeur du sujet...

Dans Fasting and eating for health (Jeûner et manger pour sa santé), livre écrit par le docteur Joel Fuhrman et qui s'appuie sur de nombreuses études scientifiques dont toutes les références sont données en notes, voilà ce qui est dit à la p.19 :

"Jeûner est un traitement tout à fait valable pour les désordres psychologiques.
Il y a des centaines d'articles dans la littérature médicale qui apportent des preuves de l'efficacité du jeûne : il améliore le fonctionnement de tout le corps, y compris celui du cerveau.
On a observé à plusieurs reprises que jeûner soulage les névroses, l'anxiété et la dépression.
Il ressort de ces études que jeûner améliore notre capacité à supporter la frustration et le stress. Une clinique japonaise a fait jeûner 382 patients souffrant de maladies psychosomatiques avec un succès de 87 %".

Et maintenant, voici un extrait du témoignage de Jean-Claude Gruau, qui s'est guéri d'un cancer par le jeûne et qui fait part des effets du jeûne sur son état psychologique :

"La DECOUVERTE, c'est que la Joie s'installe au creux de ( ?) je ne sais pas trop quoi : pas de l'estomac car on a vite plus envie de vomir que de manger) ; au creux de l'âme est une expression eau de rose , au creux de l'être fait du dernier philosophique mais présente un je ne sais quoi de pompeux ; Comme je ne suis pas tombé de la dernière diète ( ayant déjà fait x diètes) je connaissais bien tout ces états : seulement c'est la première fois que j'en tire une conclusion comme Newton recevant sa pomme gravitationelle sur la tête : Quand on arrête de manger pendant environ une semaine, s'allume au creux de ( ?) une petite veilleuse indiquant que la Joie est là,
ET CELA EN PERMANENCE
La Joie de quoi ? la Joie Pourquoi cher Monsieur ?
" C'est comme ça, c'est comme ça " La Joie tout court : Ainsi , le seul fait de sentir le sang circuler dans les veines t'euphorise un maximum, le seul fait de frotter par exemple le pouce contre un autre doigt est super agréable le seul fait de respirer est génial, et alors respirer en se levant le matin , une bouffée d'air du dehors est délicieux, extraordinaire, quasiment jouissif ; en résumé tu fais l'amour avec l'air du matin ; il faut bien comprendre que tout ces adjectifs je les trouve après pour essayer de rendre compte, que l'ensemble des sensations est là présent, conscient , tu fais " un avec " .
Cet état c'est en permanence l'état " amoureux "
Bien que je me sente aussi très amoureux de ma femme, l'amour pour le conjoint n'est qu'un reflet de cette Joie qui m'envahit :Une sorte de paix me recouvre comme un pansement intestinal, au point que, en voiture, moi qui suis souvent fortement stressé par les autres conducteurs ( ce qui est normal, car ma conduite approximative les stresse en premier, les pauvres se déstressent en me klaxonnant , et du coup me stressent en se déstressant), leur klaxon rebondit sur ma jubilation intérieure ; (je dois dire que la carrosserie rebondit moins bien)
Voilà donc le principe qui s'est soudain imposé, à moi :
" Manger donne du plaisir, ne pas manger donne de la Joie "
Et cela est A U T O M A T I Q U E.
Comment cher Monsieur , vous semblez soutenir, que mes problèmes personnels, mes vues philosophiques sur le But de la vie, le Sens, le passé, l'avenir, la conscience, la psyché et toutes espèces de choses à nom gréco-latin peuvent être résolues par une petite diète ?
Essayez, vous verrez : l'état amoureux, domine, surmonte, donne un point de vue global, un point de vue paisible ; les questions angoissantes deviennent des questions tout court, des questions comme en pose un bébé à sa maman : la maman répond un peu n'importe quoi à son bébé, car elle est sûre d'une chose la maman, c'est que les questions de son poupon ne sont pas vraiment d'actualité, l'actualité est $ que la maman aime son bébé et que le bébé aime sa maman ; tout le reste est nul, tout le reste aura peut-être de l'importance plus tard ; les questions à problème seront discutées par les Hommes de Science, par les Philosophes, par les " Spécialistes " en tout genre, mais dans l'immédiat, la seule chose importante, la seule chose évidente et dont le bébé ne se rend pas parfaitement compte puisque justement il pose des questions, c'est que la maman aime son Bébé.
Oui mais, moi, je ne suis pas Bébé, et de plus je n'ai pas de maman ( certains disent il n'y a pas de Dieu pour jouer ce rôle) : j'écris cela pour donner une image il est tout à fait possible qu'il n'y ait pas de Dieu-maman, ni même de Dieu du tout, mais le fait est qu'avec une petite diète, on se sent " aimant " et de là à se sentir aimé il n'y a qu'un pas.
Quelle est donc cette découverte de la joie par la diète ?
Etant d'un naturel assez extrême je sais reconnaître quand je suis dans un état euphorique , généralement trop euphorique, sorte de feu de paille qui pour être de paille n'en n'est pas moins feu, enthousiasme trop centré, sans véritable racine profonde puisque ce feu là va s'éteindre et laisser souvent place à des regrets , à un vide. En résumé , lors de mes " enthousiasmes " hors jeûne, je flambe et suis vite réduit en cendres
. Ici rien de pareil : pour reprendre la comparaison du feu, il ne s'agit pas d'un feu de paille mais de la chaleur solaire, chaleur qui dure et qui pourtant donne une sensation de bien-être à chaque instant. Je ne me sens pas heureux parce que je me sens aimé de ma femme ou parce que ceci ou cela, mais tout simplement c'est ainsi. Au point que la légère gêne procurée par le fait de " sauter " un ou deux repas est négligeable par rapport à la " Joie " qui va en résulter. Pour donner une comparaison, un amoureux trouve ennui léger d'attendre sous la pluie sa belle quand il sait qu'elle va venir.
L'état de Joie, qui s'installe lors de la reprise alimentaire est si agréable, si " équilibrant " que les désagrément initiaux ressentis pendant le début de la diète sont un prix léger à payer au vu des résultats."

Petites considérations linguistiques pour compléter :

- le terme de "diète" est parfois employé comme un synonyme de "jeûne" ;
- Le jeûne au sens strict est l'abstinence de toute nourriture et boisson de l'aube au coucher du soleil ;
- Le jeûne dit thérapeutique (en réalité diète thérapeutique) est une absence totale de nourriture pendant plusieurs jours - mais bien sûr on boit de l'eau ;
- Les effets d'une diète thérapeutique et d'un vrai jeûne prolongé sur plusieurs jours sont à peu près les mêmes.

Et petites considérations personnelles pour finir :

Jeûner n'est pas facile et relativement désagréable, surtout au début. Mais il y a bien une amélioration de l'humeur et surtout, une espèce de simplification intérieure. Les noeuds psychologiques se dénouent. On retrouve le sens de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas. On relativise naturellement, sans effort.

Bref, le jeûne est un antidépresseur.

L'antidépresseur X... je dis ça pour ceux qui ont lu l'autre post :

http://marre-de-la-vie.blogspot.com/2008/08/devinez-le-nom-de-lantidpresseur-x.html

19 commentaires:

  1. Bonsoir Lucia (ça y est je suis revenue ! ;-))

    Je trouve ton rappel sur le deux manières d'étudier un thème, un sujet plus que pertinente.

    Bien trop souvent , nous nous dupons nous-même en optant pour la première méthode... ou oubliant d'aller au bout de sa logique et d'allier la théorie à la pratique, aux faits.

    Bien à toi,

    Inès.

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  2. salut,

    je viens de découvrir ton blog et je l'ai mis dans mes favoris.

    Rapidement, nous avons un passé commun.
    Psychiatrie.
    Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je laisse ce commentaire.

    En fait, je voulais avoir ton avis. Je n'ai pas encore lu tout tes articles, mais j'ai entre-autre lu celui sur les renards, les hérissons et les rhinocéros. Je suis d'accord avec l'idée de la force.

    Alors voilà. Je suis l'unique employée d'un employeur manipulateur. Je n'arrive pas à le contrecarrer dans toutes ses manipulations et il change régulièrement de stratégie.
    Comme ça ne fait pas longtemps que j'ai retrouvé ma capacité de compréhension verbale (problème causé par les neuroleptiques)je suis facilement confuse.
    Il se dit psychothérapeute pratiquant l'hypnose. Il m'a hypnotisée en me parlant... sans ma permission et j'ai du lire des livres pour savoir comment hypnotiser et donc comment ne pas me faire hypnotiser...
    J'ai envie de quitter, en même temps, comme je le vois faire dans beaucoup de ses techniques, je me dit qu'il pourrait être une bonne pratique anti-manipulateurs.

    J'ai de la difficulté à évaluer la situation.
    Qu'en penses-tu?

    Merci

    Lila

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  3. Bonjour Lila,

    si tu as le choix et surtout, si d'une manière ou d'une autre tu souffres dans ce travail, il me semble que le plus sage serait d'en changer. Tu pourras toujours étudier dans les livres les principes de la manipulation. Maintenant si tu aimes ton travail et que malgré ton patron tu t'y sens bien...

    Il est difficile de donner un conseil sur une situation aussi particulière, car tout dépend de ce que tu ressens et de ton évaluation personnelle des avantages/inconvénients.

    J'ai supporté une personne très écrasante et assez manipulatrice parce que j'étais convaincue qu'elle pouvait m'apporter beaucoup. Je ne regrette pas d'être restée - et je suis encore plus ravie d'être partie !

    Si tu es croyante, demande conseil à Dieu, et si tu ne l'es pas, écoute ce que ton intuition et ton corps te disent, c'est encore le plus sûr.

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  4. Bonjour Lucia,

    Juste comme cela... ton surnom est très joli!

    J'ai donné ma démission aujourd'hui. Le monsieur a voulu que je lui explique mais je lui ai dit que je pourrais le lui envoyer par écrit. Je crois que j'ai bien fait de partir, la preuve est que j'avais peur de m'assoir et de lui dire pourquoi je m'en allais. Et je ne suis pas facilement effrayée...

    Merci beaucoup Lucia, ça m'a aidé.

    Lila

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  5. Bravo Lila... Une page se tourne, bon débarras ! La vie est trop courte pour l'encombrer avec des salauds.

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  6. Coucou Inès,

    contente de te voir de retour.

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  7. Bravo à Lila, ce n'est pas évident de fuir un manipulateur, un pervers narcissique, et c'est une fuite non pas de lacheté, contre ce genre de personnes il y'a pas grand choses à faire, ils voient les rapports humains en terme de gagnant et perdant. Tu as réagis à tant.
    Par rapport à l'article sinon je reste très sceptique, oui c'est moi qui avais donné les liens, des anecdotes et témoignages ça ne vaut pas grand chose en médecine, pour faire la preuve de l'efficacité d'une thérapie il faut l'étudier soigneusement, faire des tests en doubles aveugles, et randomisés, on relie souvent à tort des relaitons de causes à effet, il y'a peut être simple effet placebo? on peut dire n'importe quoi, ce n'est pas parce que ça à marché sur quelqu'un ou sur des personnes que c'es efficace il faut prouvé, le mécanisme aussi.
    Le jeune est un reliquat des hygiénistes. Une pratique qui devrait être supprimé au même titre que les saignés, les lavages.
    http://www.charlatans.info/detoxication.shtml
    http://www.charlatans.info/news/spip.php?article141
    http://www.charlatans.info/sectes&sante.shtml

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  8. Bonjour,

    Voici une émission qui a passé sur une chaîne Suisse dernièrement:

    http://www.rts.ch/video/emissions/36-9/3838498-le-jeune-une-nouvelle-therapie.html

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  9. Laurent Récamiersamedi, 10 mai, 2014

    Bonjour,
    Je partage votre approche sur le jeûne mais votre opposition des raisonnements factuels et philosophiques est très bête. D'abord, on le voit bien en politique, les faits utilisés de façon non critique peuvent très bien servir aussi à justifier tout et n'importe quoi. On peut aussi constater factuellement que le coq chante avant que le soleil ne se lève, ce n'est pas pour autant qu'on pourra en déduire sérieusement que le chant du coq est ce qui fait se lever le soleil. Quant à l'exemple de raisonnement que vous donnez avec le lait qui ne conviendrait pas à l'homme puisqu'il est fait pour le petit de la vache, je suis bien d'accord pour dire qu'il n'a pas grand sens mais en revanche il n'a strictement rien de philosophique. C'est un raisonnement analogique largement critiqué par Aristote depuis plus de 2000 ans dans ses Premiers analytiques. Mais justement votre critique de ce type de raisonnement faussement spéculatifs et en réalité sophistiques qu'on trouve en abondance dans la littérature sur l'alimentation alternative, de quel type est-elle, sur quoi s'appuie-t-elle ? Il est évident que ce qu'on peut dire sur le lait doit s'appuyer sur ce qu'on en connaît empiriquement puisqu'à la base nous ne connaissons le lait que par expérience. A ce titre, tout raisonnement sur le lait n'aura rien en soi de philosophique, car ce sur quoi raisonne la philosophie, c'est sur les principes de nos raisonnements en général : qu'est-ce que la logique, la vérité, un fait, un raisonnement etc. Mais ces raisonnements fondamentaux nous servent justement ensuite à mieux raisonner sur les questions empiriques appliquées.

    En revanche, la capacité à différencier l'expérience comme mode de connaissance où l'esprit est surtout passif et le raisonnement où l'esprit est surtout actif, elle, relève d'un acte de réflexion, autrement dit d'un examen attentif de notre façon de penser, ce qui est le sens premier de "spéculer" (du latin speculare, regarder, inspecter avec attention). La critique de l'argument du lait réservé au veau est donc bien une critique philosophique. Le problème est donc qu'au moment où vous croyez critiquer la philosophie, vous critiquez en fait la précipitation dans le jugement, les sophismes et les paralogismes, qui est précisément que critique la philosophie.

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  10. Bonjour Laurent,

    en réalité nous sommes d'accord.

    En un certain sens (si on se fie à l'étymologie de "philosophie" et aux meilleurs philosophes), la philosophie est quelque chose de magnifique et les raisonnements philosophiques sont des raisonnements rigoureux ; en un autre sens (si on prend pour référence la manière de raisonner de beaucoup de gens qui passent pour des philosophes) les raisonnements philosophiques sont un tissu de sophismes et de paralogismes.

    Donc tout dépend de la manière dont on définit "philosophie" et "philosopher" et personnellement, ça ne me pose aucun problème que vous lui donniez un sens positif, c'est largement aussi justifié que de lui donner un sens négatif comme je l'ai fait dans cet article.

    Je pourrais peut-être remplacer "raisonnement philosophique" par "raisonnement foireux" ou "pseudo-raisonnement" ou "paralogismes".

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  11. Laurent Récamierdimanche, 11 mai, 2014

    Bonjour Lucia,
    Si j'ai bien compris vous êtes musulmane. Vous n'êtes pas sans savoir que sans les invasions arabes, la philosophie aurait été oubliée en occident à la suite de certains mouvements obscurantistes du christianisme. Sans Ibn Arabi et Al Farabi, qui ont permis de réintroduire Aristote et Platon en Europe, l'idée de critiquer les raisonnements sectaires et les concepts incohérents de certains interprètes officiels de la religion dominante ne serait plus venu à l'idée de personne avant longtemps. Mais comme le montre le film de Chahine sur Averroès, la philosophie n'avait pas pour autant la vie facile chez les arabes non plus. Le mot arabe pour philosophie, falsafia, a paraît-il une consonance avec la notion de fausseté alors que son but a toujours été contraire la vérité, qu'elle qu'elle soit, aussi réjouissante ou désespérante qu'elle soit. Mais les ennemis de la réflexion honnête et critique ont toujours bien aimé les jeux de mots pour dénigrer la philosophie.

    L'étymologie du mot dit l'essentiel de la notion : amour de la sagesse. Cela implique qu'on ne prétend pas la posséder intégralement contrairement au sophisme justement, et aussi qu'on accepte l'idée qu'on peut se tromper ou qu'il y a encore à réviser ses jugements. En effet, désirer la sagesse conduit à s'assurer qu'on raisonne à partir de concepts clairs et bien définis : avant de dire que tel aliment ou tel comportement est bon ou mauvais, est-on sûr de ce qu'on appelle bon ou mauvais et de ce sur quoi on s'appuie pour en parler ? Bien souvent, les désaccords viennent de ce qu'on parle de choses différentes en utilisant les mêmes mots.

    C'est pourquoi il faut aussi faire attention à l'usage des mots. Que la philosophie ait pu être pervertie au cours de l'histoire par certains auteurs s'en réclamant est-il une raison pour faire de ce mot, un équivalent à ce qu'elle combat au départ, la sophistique et ainsi la démagogie, la manipulation, le sectarisme ? Est-ce parce qu'il y a des dictateurs qui se prétendent démocrates qu'on va considérer que la démocratie peut être employée au sens de la dictature ? Est-ce parce que certains se réclament de la médecine tout en étant en fait de dangereux charlatans qu'on va considérer toute médecine comme de la charlatanerie ?

    J'ai noté par ailleurs que vous avez la caricature facile : certes Nietzsche se dit lui-même immoraliste, mais c'est en fait une critique de la morale hypocrite haineuse de la vie de la plupart des chrétiens (ce qui n'a pas empêché Nietzsche de reconnaître dans la figure du Christ un homme de grande qualité). Il a su aussi se montrer un homme délicieux avec son entourage et prendre la défense de certaines minorités dans certains écrits. Et le fait qu'Hitler se soit dit lecteur de Nietzsche ne prouve en aucun cas que Nietzsche fût nazi, un peu de rigueur. Ce n'est tout de même parce qu'une fois, Sarkozy a fait une référence tonitruante mais confuse à Jaurès que Jaurès était sarkozyste !

    Enfin, je vois que vous vous intéressez à Émile Coué, savez vous qu'on retrouve à peu près l'essentiel de ses préconisations chez les stoïciens et notamment chez Épictète ? Dire que ce ne sont pas les événements qui nous font souffrir ou être heureux mais l'idée que nous nous en faisons et qu'en conséquence, il faut pour se maintenir dans le bonheur d'abord travailler en profondeur sur nos représentations comme cela nous est possible plutôt que tenter d'obtenir un contrôle absolu des choses extérieures, ce qui est impossible, est à peu près l'essentiel de ce que cet esclave affranchi a passé sa vie à expliciter. Les Entretiens d'Epictète sont un ouvrage classique de bibliothérapie.

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  12. Bonjour Laurent,

    Vous avez probablement RAISON sur le fait qu'on doit avant tout se fier à l'étymologie d'un mot pour le définir. Cependant j'ai quelques petites objections ou remarques à vous faire :

    1/ Vous dites que le but de la philosophie a toujours été la vérité. La philosophie n'est en fin de compte qu'un mot abstrait et ne peut donc pas se donner des buts. Ce sont les philosophes (les hommes) qui se donnent, ou non, la vérité pour but. Vous pensez que ça a toujours été leur but. Je pense pour ma part que c'est seulement une petite minorité d'entre eux qui se sont réellement donnés ce but et qui peuvent se réclamer à bon droit de Guyau disant : "Quoi que je trouve au bout de la voie où je m’engage, quand cela serait contraire à toutes mes prévisions et à tous mes désirs, à tout ce que je croyais et à tout ce qu’on croit autour de moi, quand ce serait contraire à tout ce que j’ai dit moi-même ; quand cela déferait toutes mes associations d’idées, dérangerait toutes mes combinaisons, tout le système que mon intelligence avait échafaudé jusque-là, quand cela anéantirait enfin tout le travail de ma vie passée, - si c’est la vérité, quelque pénible qu’elle soit, je veux la trouver, je veux y croire, parce que la vérité est digne d’amour et que je l’aime. "

    S'ils s'étaient réellement donné la vérité pour but, ils l'auraient trouvé un peu plus souvent, et ils se seraient chamaillés un peu moins souvent, la vérité n'étant jamais contradictoire avec elle-même.

    2/ Vous dites que, la philosophie étant l'amour de la sagesse, cela implique qu'on "accepte l'idée qu'on a pu se tromper". Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Mais connaissez-vous beaucoup de philosophes qui ont reconnu qu'ils s'étaient magistralement plantés ? Il faut un très grand courage et une très grande honnêteté intellectuelle pour prendre conscience de ses erreurs et pour avouer ses revirements intellectuels.

    3/ Vous dites que "les désaccords viennent de ce qu'on parle de choses différentes en utilisant les mêmes mots". Je suis bien d'accord avec vous ! On définit trop rarement les termes de base, et c'est pour ça qu'on se dispute pour rien. Comme là, vous avez une définition de la philosophie très positive (à mon avis un peu idéalisée), la mienne l'est beaucoup moins. Mais si on se mettait d'accord sur une définition, il n'y aurait même pas de débat !

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  13. 4/ "Que la philosophie ait pu être pervertie au cours de l'histoire par certains auteurs s'en réclamant est-il une raison pour faire de ce mot, un équivalent à ce qu'elle combat au départ, la sophistique et ainsi la démagogie, la manipulation, le sectarisme ? Est-ce parce qu'il y a des dictateurs qui se prétendent démocrates qu'on va considérer que la démocratie peut être employée au sens de la dictature ? Est-ce parce que certains se réclament de la médecine tout en étant en fait de dangereux charlatans qu'on va considérer toute médecine comme de la charlatanerie ?" Vous avez RAISON.

    5/ Pour Nietzsche, je l'ai caricaturé mais la caricature est ressemblante. Sa philosophie - qu'il faut sans doute bien distinguer du nazisme - ne vaut absolument pas mieux que celle de Hitler. Vous qui aimez la vérité, savez-vous que Nietzsche pensait que celle-ci était surestimée ? Qu'il trouvait qu'on s'en préoccupait trop ? D'après lui, on ferait mieux de se ficher de la vérité... (Ne me demandez pas la citation. Je ne sais plus dans quel livre de Nietzsche j'ai lu ça, mais je suis sûre de l'avoir lu.) L'ensemble de ses idées forment une philosophie de Grand Méchant Loup. Elles transforment ceux qui y croient à fond en prédateurs arrogants, en pseudo-sur-hommes, de même que, symétriquement, les idées de la psychiatrie transforment ceux qui y croient à fond en esclaves soumis.

    6/ Oui, Coué (et d'ailleurs toute une bonne part du développement personnel) est déjà annoncé par Les Entretiens d'Epictète, un très beau texte que j'ai lu jadis.

    7/Les musulmans aiment la vérité, c'est pour ça qu'ils sont musulmans. Je parle bien sûr de ceux qui ne se sont pas contentés d'hériter de l'Islam, mais qui l'ont réellement choisi. Les autres ne sont musulmans qu'en surface. "Islam" signifie "soumission à Dieu" et Dieu est la vérité absolue : l'amour de la vérité conduit donc à l'Islam. Mais cet amour doit d'abord être débarrassé de tout orgueil.

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  14. 8/Les musulmans ont en effet recueilli les écrits des philosophes antiques. Ils ont aussi, et surtout, initié la science et la technologie moderne. Les scientifiques et constructeurs européens ont largement puisé à leur source, parfois en reconnaissant leur dette, parfois en la niant. Par exemple l'architecture "gothique" ne doit rien aux Goths mais tout aux mosquées arabo-musulmane, la médecine européenne tire son origine de la médecine arabo-musulmane, etc. Il y a plusieurs bons livres sur ce sujet, dont Le soleil d'Allah brille sur l'occident et 1001 inventions : the enduring legacy of muslim civilisation.

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  15. Deux livres que je me permets de vous recommander...

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  16. Laurent Récamierlundi, 12 mai, 2014

    Lucia, merci pour votre longue réponse.
    1) Belle référence que Guyau ! Mais à part Nietzsche, qui semble votre bête noire, quel philosophe reconnu par ses pairs vous semble effectivement avoir méprisé la recherche même de la vérité ? Et là c'est moi qui en viens à vous demander des faits et pas seulement un raisonnement que vous tirez du concept que vous vous êtes faite de la philosophie. En l'occurrence, votre argument des chamailleries entre philosophes qui vous paraît contradictoire avec la découverte même de la vérité ressemble fort à l'argument du lait de vache qui serait contradictoire avec la bonne alimentation humaine.

    En fait, les grands philosophes, ceux qui ont élaborés de nouveaux outils conceptuels (je ne parle pas des bonimenteurs qui ne font que répéter grossièrement les autres en s'attribuant leurs idées, de Voltaire à BHL), ne se chamaillent jamais. Ils discutent entre eux comme le font tous les chercheurs de vérité. On s'intéresse en général surtout à leurs désaccords, car c'est ce qui permet de les distinguer mais non seulement ces désaccords sont souvent féconds en permettant de clarifier la part de vérité que chacun a pu percevoir mais cela n'empêche pas par ailleurs qu'ils aient bien des points communs, comme la reconnaissance de l'intérêt de la réflexion philosophique ou encore des principes de logique comme l'identité ou la non-contradiction.

    Enfin, vous oubliez qu'à partir du moment où on cherche la vérité, on est très exigent et on ne peut reconnaître aucun maître absolu pour la définir sans qu'on ait à vérifier ; c'est ce qui fait qu'encore aujourd'hui une attitude vraiment scientifique est plus une attitude de doute que de certitude. Et encore les sciences ont les phénomènes extérieurs comme juges de paix, les croyants leurs textes sacrés, les politiques et les artistes l'approbation du public. En philosophie, comme au principe fondamental de toute recherche honnête de la vérité, il n'y a que l'intuition de l'évidence et l'impossibilité de certaines conjonctions d'idées.

    Quant à ceux qui comme Voltaire ou BHL ne créent rien mais cherchent surtout à faire briller leur ego, ils ne sont tout simplement pas amis de la sagesse mais seulement des honneurs.

    2/ Quand on considère qu'on a trouvé la vérité suprême et qu'on ne peut s'être trompé, il devient tout simplement superflu voire nuisible aux yeux de celui qui croit une telle chose de justifier en quoi il atteint un tel but. A partir du moment où il n'y a pas de philosophe qui ne s'emploie à justifier ses positions, en remontant aux principes les plus fondamentaux, chacun admet donc pouvoir se tromper. Exposer précisément les raisons logiques aussi bien que factuelles qui amènent à adopter une position donnée, c'est nécessairement s'exposer à la critique et aux réfutations. Voilà en quoi philosopher implique d'accepter qu'on ait pu se tromper.

    Par ailleurs, Descartes parle assez longuement des préjugés scolaires qu'il a dû ensuite déconstruire, Kant du sommeil dogmatique dont seuls Hume et Rousseau avaient pu le sortir et bien d'autres encore.

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  17. Laurent Récamierlundi, 12 mai, 2014

    3/ Il est évident que si j'étais d'accord avec votre définition de la philosophie comme mode de raisonnement fondé sur des principes purement arbitraires posés en vérités indiscutables, je ne pourrais qu'en déduire les mêmes choses que vous. Cependant, les philosophes sceptiques sont par ailleurs d'accord avec les dogmatiques pour définir la vérité comme accord de la pensée et du réel, mais cela ne les empêche pas de débattre, le plus souvent de façon constructive, pour savoir si un tel accord n'est pas hors de notre puissance.

    Enfin, si vous employiez le terme de philosophie en l'associant uniquement à des sophistes patentés comme Calliclès, Voltaire ou BHL, votre confusion philosophie/sophistique pourrait être valable. Encore qu'il faudrait nous dire comment vous appelez ceux qui critiquent les préjugés et qui élaborent pour juger avec plus de discernement des concepts nouveaux. Mais vous ne faites pas cela et cela laisse entier l'argument que je vous donnais : s'il fallait mépriser la philosophie parce que des sophistes s'en sont réclamés, il faudrait faire de même avec la science parce que des idéologues nazis se sont réclamés de ce terme ou encore avec la religion parce que des fanatiques s'en sont réclamés. Et donc...

    4/ Si vous me donnez raison sur ce quatrième point, alors ma définition de la philosophie comme discipline d'élaboration conceptuelle, plus ou moins bien appliquée par ceux qui s'en réclament, n'est pas si idéaliste que cela et votre confusion entre philosophie et sophistique dans le précédent article est d'un pessimisme pour le moins excessif.

    5/ Oui Nietzsche dénonce la vérité comme idole à laquelle les philosophes eux-mêmes ont tendance à se soumettre sans la prudence dont ils se réclament pourtant. Ce faisant, c'est au nom même de la vérité qu'il fait cette critique de l'usage de l'idée et du mot de vérité. Quant à ceux qui après une lecture sommaire de quelques textes de Nietzsche croient comme vous le dites qu'ils vont être des surhommes en agissant comme les derniers des barbares, le fait même qu'ils soient dans la croyance et non plus la recherche de l'évidence intellectuelle indique assez qu'ils sont hors du champs de la philosophie.

    6/ Encore un point d'accord entre nous.

    7/ La recherche de la vérité conduit à Dieu. C'est au moins que pensaient en effet les philosophes arabes que j'ai pu citer, et qui étaient pour la plupart aussi savants dans les domaines mathématiques et médicaux, qu'ils ne séparaient d'ailleurs pas de la philosophie comme vous le faites assez artificiellement. Comme vous reconnaissez comme authentiques chercheurs de vérité des gens comme Epictète, qui n'étaient pas musulmans, je n'irai pas plus loin dans la discussion sur ce sujet.

    8/ En ce qui concerne les chiffres arabes et la plupart des avancées technologiques qu'ils ont apportées à l'occident, il semblerait que les arabes ont eu surtout le génie de transmettre plutôt que celui d'inventer.

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  18. Bonjour Laurent,
    pourquoi "des principes purement arbitraires" ?
    Je ne l'ai jamais dit et jamais pensé.
    Pour croire, on a besoin de preuves.

    Mais je préfère vous répondre par articles de blog interposés... je le ferai dès que possible.

    Cordialement.

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  19. Bonjour,
    Je souhaiterais effectuer un jeune thérapeutique mais j'ai du mal à me lancer. Existe-t-il un "guide" pour l'effectuer correctement ?
    La joie dont vous parlez, est-elle restée à la reprise de votre alimentation ?
    Merci d'avance

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