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26 avril 2010

Michel Onfray - Le crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne

Le crépuscule d'une idole : c'est un livre intéressant quoique incomplet.

La thèse principale est tout à fait juste : la psychanalyse est autobiographique, c'est la tentative philosophique d'un homme pour "sauver sa peau" (expression significative, très pertinente, quand on connaît la manière dont la psychanalyse a commencé - comme la mise au point d'un plaidoyer au cas où Freud serait arrêté pour assassinat.)

Mais Michel Onfray prête à Freud une bonne foi qu'il n'a jamais eu - il lui accorde un peu trop systématiquement le bénéfice du doute.

Du coup, son livre est à la fois trop doux, et trop énervé : trop doux, parce que Freud ne semble pas si méchant (il aurait été par exemple désespéré par la mort de sa mère, ce qui est pourtant complètement contredit par la correspondance citée par Onfray), et trop énervé, parce qu'on a la sensation qu'Onfray s'identifie affectivement à Nietzsche et à toutes les figures paternelles que Freud a si allègrement piétiné, renié, ou très littéralement tué.

Onfray suppose par exemple que le père de Freud était innocent de l'inceste dont Freud le dit responsable - supposition qui ne colle pas vraiment avec le fait que le père de Freud a tout de même un meurtre à son actif, celui de sa seconde femme. Mais ça, Onfray l'ignore - il n'a pas lu Passion for murder, ni L'homme aux statues.

Ceci dit, c'est un livre qui se lit bien, écrit dans un style plutôt vivant. Je ne connaissais pas Michel Onfray ; il apparaît comme quelqu'un de globalement sympathique.

Revenons à Freud soi-disant désespéré par la mort de sa mère...

Onfray suppose ce désespoir parce qu'il suppose que le complexe d'Oedipe a une dimension amoureuse, affective. Mais Freud n'a jamais dit que le petit garçon est "amoureux" de sa mère, il a dit qu'il voulait avoir des relations sexuelles avec elle, ce qui est tout différent.

Freud fut plutôt content et soulagé quand sa mère est morte - soulagement qu'il lui prête : il avoue sa "satisfaction qu'elle ait enfin trouvé la délivrance à laquelle elle avait droit après une si longue vie". Autrement dit : elle avait assez vécu, bon débarras !

Et comme Onfray est plutôt gentil, en tout cas infiniment plus gentil que Freud, il prête généreusement à Freud un grand chagrin refoulé, une "extrême souffrance" qui serait prouvée par... devinez quoi... le fait que Freud n'a même pas assisté aux funérailles de sa mère !

Freud voit des désirs pervers et des envies de meurtre partout, même derrière les rêves les plus innocents ; Onfray voit de l'amour derrière un comportement ouvertement indifférent. Plus que indifférent : réjoui !

Il est en effet difficile à croire que Freud n'avait pas de cœur, difficile d'accepter qu'il n'aimait pas sa mère (qui l'adorait). Mais Freud n'est pas un individu comme les autres, c'est un tueur en série. Chaque mort (et surtout les morts qui sont de son fait) est pour lui un triomphe : l'autre est mort, mais lui est toujours vivant !

Il le dit d'ailleurs à plusieurs reprises en ces termes - et dans sa correspondance, et dans ses oeuvres.

Quand on n'est pas un tueur, et qu'on n'a pas pour projet d'en devenir un, la psychanalyse est (en tant que théorie) totalement inutile. Enfin, si, elle est utile aux "profiler", ces gens qui cherchent à comprendre la psychologie des tueurs en série pour les repérer et les neutraliser. Dans ce domaine-là, les théories de Freud ont fait leurs preuves... comme par hasard.

Au final, un livre intéressant, à compléter par d'autres.

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